Un élève de Rimski-Korsakov, né comme Karol Szymanowski en Ukraine, et qui aura compté à la marge dans la grande histoire de la musique polonaise du XXe siècle. Longtemps, Witold Maliszewski n’est resté qu’un nom dans les encyclopédies, rien de son œuvre ne résonnait au disque jusqu’à ce qu’un un petit label polonais ne révèle ses opus pour violon et piano pleins d’inventions, de traits saillants, d’idées singulières.
Allait-on découvrir d’autres œuvres de ce compositeur dont il fut interdit de prononcer le nom en Union Soviétique jusqu’à la fin des années cinquante ? Le Conservatoire d’Odessa, qu’il avait fondé et qui affichait son patronyme fut débaptisé, l’intérêt que Constantin Simonov ou Nathan Rachlin portaient à ses symphonies, froidement battu en brèche par les autorités. Mais voilà que l’infatigable Martin Yates lui dédie tout un disque.
La Troisième Symphonie (1907) sera une surprise pour beaucoup. Le ton tragique, venteux et sombre de ces deux premiers mouvements n’est pas sans annoncer la Deuxième Symphonie de Szymanowski (1909) ; elle se conclut par un vaste thème et variations, préférant à la fugue grandiose conduite par son confrère polonais une conclusion fusante, un Allegro giocoso stupéfiant. Le ton, la langue assez singulière dans la littérature d’orchestre de l’époque, qu’elle soit russe ou polonaise, montre un compositeur qui se cherche encore, alors dans sa trentaine.
Le Concerto pour piano de 1938 va bien plus loin, avec son orchestre étrange, ses alliages de timbres envoûtants et son grand jeu de piano qui se marie à tout un arsenal de percussion ou passe le souvenir de Rimski-Korsakov mais pas seulement. Même clairement post-romantique dans son propos, cette parure versicolore, cette écriture nerveuse montrent une partition absolument réalisée, d’un métier à la fois dominé et libre.
Peter Donohoe, la découvrant, ne s’y est pas trompé, il a voulu l’enregistrer illico. Son clavier fusant, ses grands moyens, sa verve rythmique en magnifient l’étoffe somptueuse, le rapprochant des concertos de Rachmaninov, de Medtner, de ceux de Bortkiewicz ou Catoire. Le 29 mars 1937, Karol Szymanowski, son cadet de dix ans, disparaissait, emporté par la tuberculose dans un sanatorium de Lausanne, et moins de deux ans après, Maliszewski le suivait dans la tombe. Resté en Pologne, il avait eu le temps d’enseigner son art à un certain Witold Lutoslawski.
LE DISQUE DU JOUR
Witold Maliszewski (1873-1939)
Symphonie n° 3 en ut mineur, Op. 14
Concerto pour piano
en si bémol mineur, Op. 27
Peter Donohoe, piano
Royal Scottish National Orchestra
Martin Yates, direction
Un album du label Dutton CDLX 7325
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Photo à la une : © DR