Sujet Satie (mais pas seulement)

L’idée est étonnante : publier en une boîte blanche à liseré tricolore dans leurs états (pochettes) et couplages d’origine tous les albums CBS où figuraient des œuvres de Satie. Sony reste fidèle à sa politique : ne pas choisir, publier in extenso.

C’est bien, j’approuve, d’autant qu’ici l’on va de découvertes en découvertes, avec une évidence : les archives les plus anciennes sont les meilleures. Poulenc jouant Satie (et se jouant !), c’est l’esprit même de cette musique pas si blanche qu’on croit lorsqu’elle est incarnée dans un piano d’un tel corps.

Lorsque Pierre Bernac le rejoint pour un bouquet de mélodies, je me régale de ce français parisien qui va comme un gant à Chabrier et se gausse de Daphénéo avec un ton pince sans rire avant de faire du Chapelier un vrai air d’opéra. Les Casadesus s’amusent sans façon d’En habit de cheval ou des Trois Morceaux en forme de poire, comme Gold et Fizdale, mais le vrai coup de génie des garçons reste la Sonate de Poulenc, dont l’énoncé du Rustique sonne vraiment comme du Satie.

Les perles absolues sont tout au bout de l’album : des 78 tours rarissimes, Koussevitzky couchant les Gymnopédies dans des rêves, Jennie Tourel impayable pour deux mélodies au français exemplaire, et surtout un abrégé de Parade selon Efrem Kurtz à Houston qui me donne la sensation d’entendre pour la première fois la musique d’un ballet – ce qui n’est pas du tout le cas de l’intégrale uniment symphonique qu’en propose Philippe Entremont ayant troqué son clavier pour la baguette. Relâche lui échappe également, un peu moins les Gymnopédies, mais je le préfère au piano : son disque Satie est l’un de ses meilleurs opus, strict et ironique, tout comme pour le regretté Daniel Varsano, qui poétise avec art.

Une rareté : le disque de Masselos, étrange, mais qu’on doit connaitre. Les Gymnopédies d’orchestre sont les héroïnes malgré elle de deux albums oubliés, l’un signé André Previn (avec la délicieuse Horloge de Flore de Françaix et la Symphonie concertante d’Ibert où brille le hautbois de John de Lancie), l’autre Charles Gerhardt (clou du disque, un opulent Introduction et Allegro de Ravel).

Mais une dernière merveille : le disque Ravel-Satie de Régine Crespin avec le piano parfait d’Entremont : Histoires naturelles désopilantes, et les huit Mélodies de Satie chantée à la volée, magnifiques d’élan malgré les fatigues du timbre. Quel esprit. Allez, encore une fois La Diva de L’Empire, et ses irrésistibles « englisheries » !

LE DISQUE DU JOUR

cover satie friends coffret sonyErik Satie and Friends

CD 1 & 2
Erik Satie (1866-1925)
Descriptions automatiques
Gymnopédie No. 1
Sarabande No.2
Gnossienne No. 3
Avant-dernières pensées
Croquis et agaceries d’un gros bonhomme en bois
3 Mélodies
Francis Poulenc (1899-1963)
Trois mouvements perpétuels, FP 14
Nocturne No. 1 in C Major, FP 56
Suite française d’après Claude Gervaise, FP 80b
Quatre Poèmes de Guillaume Apollinaire, FP 58
Main dominée par le cœur, FP 135
Calligrammes, FP 140
Emanuel Chabrier (1891-1894)
L’Île heureuse
Villanelle des petits canards
Claude Debussy (1862-1918)
Beau soir, L. 6
L’Échelonnement des haies
Le promenoir des deux amants, L. 118

Francis Poulenc, piano
Pierre Bernac, mezzo-soprano

Et aussi :
Arthur Gold et Robert Fizdale, piano (CD 3)
Robert Casadesus et Gaby Casadesus, piano (CD 4)
John de Lancie, hautbois – London Symphony OrchestraAndré Previn, direction (CD 5)
William Masselos, piano (CD 6)
Royal Philharmonic Orchestra (CD 7)
Philippe Entremont, direction (CD 7) et piano (CD 8, 9, 11)
Régine Crespin, soprano (CD 9)
Daniel Varsano, piano (CD 10)
National Phil. OrchestraCharles Gerhardt, direction (CD 12)

Un coffret de 13 CD du label Sony 88875177492
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Photo à la une : © DR