Mars 2015, Munich, Herkulessal, Mariss Jansons s’engage dans la vaste prière que Dvořák composa à la mémoire de sa fille Josefa, morte le 21 septembre 1875 peu après sa naissance.
Sombre mais allante, sa direction déploie cette lamentation orante, un véritable tombeau sonore, dont le lyrisme intense vaudra à son compositeur l’un de ses premiers succès. Paradoxe d’un deuil tourné en victoire. A Munich, avec la même phalange, Rafael Kubelik avait imposé la même lecture lyrique, moins cursive, plus lumineuse aussi. Mais Jansons l’entend enténébrée, tendue, bouleversante et bouleversée à la fois, une expérience humaine, un quasi trauma. Jadis Kubelik y invitait Sena Jurinac au concert – concert mémorable que le CD a immortalisé – ou John Shirley-Quirk au disque ; son successeur réunit un quatuor plus modeste, comme intimement lié au chœur et à l’orchestre, en prière comme eux, mais comment ne pas admirer l’élan soudain dont Mihoko Fujimura pare l’éclaircie de l’Inflammatus ?
Une année plus tard, Mariss Jansons remet une fois encore sur le métier sa symphonie favorite d’Antonín Dvořák, cette 8e dont il avait signé une bouillonnante première version jadis pour EMI avec son Orchestre Philharmonique d’Oslo. Depuis, le DVD, puis à nouveau le disque auront documenté ses propositions avec le Philharmonique de Berlin (en tournée au Japon), ou le Concertgebouw d’Amsterdam sans retrouver le sentiment d’évidence de sa gravure norvégienne.
A Munich, l’air aussi vif qu’à Oslo, l’imagination aussi libre, les paysages aussi ouverts, avec leur alternance subite de rais de soleil et d’ombres nuageuses, cet orchestre est un paysage, Mariss Jansons le modèle en peintre, pianissimos subitos, forte impérieux, et avec cela parfois une sorte de rage dans les climax qu’il n’y avait pas mis jusque là. Mais l’album referme une autre perle : la trop rare, en dehors de Tchéquie, Sérénade de Josef Suk, lyrique, fantaisiste, détaillée avec tendresse par les cordes somptueuses des munichois : décidément, le quatuor de l’Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise est à égalité avec ceux de la Staaskapelle et des Berliner !
Le disque aurait pu se terminer sur la grâce de cette partition magique, mais non, l’éditeur ajoute le Carnaval de Dvořák, furiant flamboyant que Mariss Jansons tempère pour mieux en savourer l’andante central avant de laisser éclater sa coruscante péroraison. Album majeur dans son abondante discographie.
LE DISQUE DU JOUR
Antonín Dvořák (1841-1914)
Stabat Mater, Op. 58
Erin Wall, soprano
Mihoko Fujimira,
mezzo-soprano
Christian Elsner, ténor
Liang Li, basse
Chœur et Orchestre
Symphonique de la Radio
Bavaroise
Mariss Jansons, direction
Un album du label BR-Klassik 900142
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Antonín Dvořák (1841-1914)
Symphonie No. 8
en sol majeur, Op. 88
Carnaval, ouverture de concert, Op. 92
Josef Suk (1874-1935)
Sérénade pour cordes, Op. 6
Orchestre Symphonique
de la Radio Bavaroise
Mariss Jansons, direction
Un album du label BR-Klassik 900145
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Photo à la une : © DR