Je ne savais rien d’Irina Chukovskaya, si ce n’est le bien qu’en disait dans les cercles musicaux moscovites son professeur au Conservatoire, Vera Gornostaïeva. En 1980, elle remporte un certain succès au Concours Chopin, mais elle doit refuser les invitations qui en découlent : on la somme de rentrer au pays, elle restera confinée derrière le rideau de fer jusqu’à ce que le Mur de Berlin s’effondre, partageant le sort de tant de concertistes soviétiques, toute une génération perdue.
Guère de disques, celui-ci semble être son deuxième, et une carrière modeste aurait pu la tenir dans l’ignorance des mélomanes, mais avec cet album Chopin, enregistré dans sa chère Pologne à Gdansk sur un magnifique Steinway, cela est désormais impossible.
Heureusement, car son grand jeu noble, ses phrasés altiers, ses registres lumineux, une musicalité parfaite qui asservit la virtuosité à l’expression, un brio profond des registres et des polyphonies, la désignent comme une interprète d’élection de Chopin.
Le style classique qu’elle met aux Variations brillantes les avive de traits piquants, ses Mazurkas dansent loin du salon, son Boléro vous a un de ces caractères ! Et la si difficile 4e Ballade la montre discrète, ménageant les enchaînements avec art, voyant loin. Le disque se referme sur la Valse en ut dièse mineur, nostalgie tenue, élégante, avec cette main gauche qui chante dans l’ombre. Voilà une pianiste selon mon cœur, qui ressuscite une « tonalité Chopin » que j’avais perdue depuis le décès de Tatiana Shebanova.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Ballade pour piano No. 4
en fa mineur, Op. 52
Scherzo No. 4 en mi majeur, Op. 54
Boléro en la mineur, Op. 19
Variations brillantes
en si bémol majeur, Op. 12
3 Mazurkas, Op. 59
3 Mazurkas, Op. 63
Irina Chukovskaya, piano
Un album du label MEL REC1002434
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Photo à la une : © DR