Longtemps, j’ai vécu avec une interprétation favorite de la Deuxième Symphonie d’Anton Bruckner, celle qu’Horst Stein grava pour Decca avec les Wiener Philharmoniker. Eux seuls osaient absolument marquer les pauses de silence qui littéralement décousent le discours du Ziemlich schnell initial : le moyen de faire passer la symphonie en sérénade.
Dès la fébrilité des violons dans les premières mesures du disque de Yannick Nézet-Séguin et de ses amis de l’Orchestre Métropolitain, j’entendais soudain ce sous-bois de sons qui peut aller à l’orage comme à la contemplation en une seconde : ce que « musique » signifie est là, dans la versatilité de tons, de timbres, d’images, de rythmes qui est la signature du discours qu’ose ici Bruckner et qui pourrait se résumer dans le savant enroulement des bois qui va suspendre le temps , hautbois, flûte, clarinette se tuilant en une arabesque qui amène l’éternité au détour d’une note tenue. C’est un miracle que Bruckner ne retrouvera plus, qu’il faut pouvoir saisir lisant la partition, et rendre saisissable. Ici c’est fait, mieux !, senti, puis suggéré.
Le sublime Adagio peut bien paraître, le plus beau nocturne qu’ait jamais rêvé de composer Gustav Mahler est là, entier, profond, si simple, si beau, si désarmant, Bruckner le lui aura volé « ex ante ».
Le miracle vraiment est que, courant Salzbourg puis le MET, un tout jeune quarantenaire puisse tout comprendre de cette poésie inouïe, de nous la donner dans une innocence qui est, à proprement écrire, pure charité chrétienne. Bruckner n’aurait pas espéré mieux que ce grand vaisseau de sons qui emporte l’Adagio, et qui soudain rêve sur des pizzicatos pour entrer ensuite dans une tendre méditation. J’ose l’écrire : le secret de Bruckner se livre ici : lisez le dans ce disque.
LE DISQUE DU JOUR
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 2 en ut mineur, WAB 102
Orchestre Métropolitain
Yannick Nézet-Séguin, direction
Un album du label Atma Classique ACD2 2708
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