Le 20 avril 2001, Giuseppe Sinopoli s’effondre dans la fosse du Deutsche Oper de Berlin durant le troisième acte d’Aïda. Sa mort brutale laissa les musiciens de la Staatskapelle comme abandonnés. Dresde reçut la nouvelle de son décès dans une sorte de stupeur : à cinquante-quatre ans, c’était vraiment trop tôt, l’orchestre pleurait non seulement son directeur musical mais celui qui était devenu un intime, dont les convictions musicales étaient partagées autant que la battue peu professionnelle excusée ; Sinopoli était un musicien d’un tel calibre ! Rapidement, Bernard Haitink accepta de lui succéder trouvant à Dresde une phalange dont le grain sonore, la magnificence ne se laissaient pas modeler, s’imposant à tous les chefs qui l’auront conduite. Il faut se plier à cet orchestre pour faire rayonner son art, ce que Giuseppe Sinopoli avait compris d’emblée.
Bernard Haitink, musicien pour les musiciens, entra dans cet océan de sons sans sourciller comme le prouve l’intense eau forte de leur Première Symphonie de Brahms, captée lors de la seconde soirée de son premier concert en temps que directeur musical. Tempos implacables, phrasés dressés, le dessin en est presque sévère dans son obscure clarté, sa tension autant que l’emportement durant les ultimes mesures du Finale ne se résoudra pas, est inexorable. Ce Brahms n’a pas un sfumato, mais son architecture rayonne. Sévère ? Radical.
La poésie, le lyrisme, les teintes de demi-lune, il vous faudra les chercher au début du concert, dans cette Ouverture d’Oberon où les cors lissent un paysage de nuit, vous le met là, sous les yeux, instant de pure magie qui fait regretter qu’on ait si peu du Weber de Bernard Haitink, et dans le Concerto pour violon de Beethoven où Frank Peter Zimmermann gourme son archet, chante avec autant d’intensité que de lyrisme dans cet orchestre dont chaque pupitre modèle le son, creuse l’espace. Haitink restera seulement deux années à Dresde, mais tous les concerts de son mandat mériteraient une publication : ce quatrième volume, après ceux dédiés à une stupéfiante Symphonie « Résurrection » de Mahler et aux 6e et 8e Symphonies de Bruckner, le rappelle.
LE DISQUE DU JOUR
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Obéron (Ouverture)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
Frank Peter Zimmermann, violon
Staatskapelle Dresden
Bernard Haitink, direction
Un album de 2 CD du label Hänssler / Profil PH09036 (Collection “Staatskapelle Dresden Live”, Vol. 40)
Acheter l’album sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr
Photo à la une : © DR