In exitu Israël

Un grand motet de pur théâtre, où la fuite d’Égypte du Peuple d’Israël est narrée par sa suite de prodiges, était-ce Mondonville ou Rameau qui l’avait composé ? Entendant sur les ondes de France Musique sa vraie ouverture avec fifres, tambours et trompes, j’en fus saisi alors même que son interprétation était des plus sommaires. La dés-annonce éclaircissait tout : compositeur Antoine-Esprit Blanchard, un des musiciens de la Chapelle de Louis XV, méridional comme Mondonville et Campra, dont Jacques Grimbert avait révélé voici des lustres deux motets, mais pas celui-ci exhumé par un modeste ensemble versaillais. C’était il y a dix ans. Ce coup d’éclat resta sans suite, les formations baroques françaises préférant s’en tenir à Charpentier ou Rameau.

Quel bonheur de voir enfin Jean-Marc Andrieu et ses Passions offrirent au compositeur de Pernes-les-Fontaines un nouvel album monographique. Cette fois, le style du chant (avec le latin en prononciation française) et les couleurs des instruments y sont, au point qu’écoutant les versets descriptif d’In exitu Israël, avec leur omniprésence de musique descriptive où la nature tonne ou charme, on croit vraiment être en face du chef-d’œuvre d’église que Rameau aurait dû écrire, lui que l’église guindait. C’est tout son orchestre qui éclate sous la plume de Blanchard, et même son théâtre qui entre à la Chapelle de Versailles, impérieux, définitif. Quel dommage que ce coup de génie n’ouvre pas le disque.

Le Magnificat et le De Profundis, inédits au disque, étonnent par leur maîtrise et leur invention, moins immédiatement saisissant que le grand déploiement du motet de 1749, mais quelle musique là encore ! Ressuscité dans le cadre du Festival de Radio France et Montpellier et enregistré sur le vif, j’espère bien que Jean-Marc Andrieu et sa belle bande signent ici l’opus I d’un voyage chez Blanchard : la Bibliothèque Nationale conserve ses quarante-six motets, d’autres chefs-d’œuvre du calibre d’In exitu Israël espèrent sonner à nouveau.

LE DISQUE DU JOUR

cvr-blanchard-andrieu-ligiaAntoine-Esprit Blanchard (1756-1791)
Magnificat, motet à grand chœur (1741)
De Profundis, motet à grand chœur (1740)
In exitu Israël, motet à grand choeur (1749)

Anne Magouët, soprano
François-Nicolas Geslot, tenor
Bruno Boterf, tenor
Alain Buet, basse
Chœur de chambre Les Éléments
Les Passions
Orchestre Baroque de Montauban
Jean-Marc Andrieu, direction

Un album du label Ligia LIDI 0202313-16
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Photo à la une : La page de couverture du manuscrit de la Bibliothèque Nationale de France, Paris – Photo : © DR