Sir Simon Rattle, aux commandes de « son » Orchestre Philharmonique de Berlin, a dirigé La Tétralogie de Wagner à l’occasion des deux festivals mozartiens par excellence, Salzbourg et Aix-en-Provence.
Les images de très bonne qualité prises à Aix-en-Provence en 2007 pour La Walkyrie permettent de mesurer l’événement musical que cela a été. Les quatre opéras ont été filmés et montés, mais pour de malheureuses histoires de coût liés aux droits des artistes, seul ce second volet a pu être publié (les trois autres opéras font intervenir bien plus de chanteurs.
La taille de cette rubrique ne permet pas de résumer sans caricaturer l’intrigue des quatre opéras que forme le cycle de L’Anneau du Nibelung, « Le Ring », que sont L’Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried et Le Crépuscule des Dieux. Le monde recréé par Wagner issu des mythologies nordiques et germaniques, avec ses dieux affaiblis (Odin/Wotan, Thor/Donner, Loki/Loge, etc.), ses hommes vils, ses héros extrêmes, a de nombreux niveaux de lecture. On conseille, pour passer un bon moment et en connaître le minimum, d’écouter l’excellente synthèse faite avec vraiment beaucoup d’humour en huit minutes sur YouTube.
Pour décrire cette soirée de 2007, à tout seigneur tout honneur, parlons de l’orchestre. Celui qui a réputation d’être le plus bel orchestre du monde, forgé par Hans von Bülow (dont Wagner a séduit puis épousé la femme), Nikisch, Furtwängler et Karajan, ne se rend pas souvent dans la fosse d’opéra.
Pourtant, lui et Rattle nous offrent bien plus qu’un accompagnement : l’orchestre est ici un acteur majeur du drame. Les silences dans l’Acte I (peut-être le plus bel acte de Wagner, avec le Troisième de Tristan), le support orchestral des sentiments des jumeaux qui se « découvrent » sont des moments d’une rare émotion. Tout au long de la journée, les leitmotivs ressortent parfaitement du tissu musical pour préciser et marquer l’atmosphère. On en vient à découvrir encore des choses dans La Walkyrie.
La distribution est parfaite aussi, dominé par le Wotan de Sir Willard White plein d’autorité et de faiblesse, torturé entre la défense de ses enfants naturels et l’obéissance à son épouse, gardienne des nœuds sacrés du mariage. La fragilité, le naturel et la force de Wotan se ressentent successivement. Il est le vrai héros de cet opéra. Sir Willard White avait déjà marqué un autre opéra dirigé par Rattle : il était le Porgy inoubliable du Porgy and Bess de Gershwin. Il existe en DVD chez Warner, à conseiller absolument car Porgy and Bess mérite d’être vu plutôt qu’entendu, avec sa distribution de Noirs-Américains.
La qualité des images de La Walkyrie est encore renforcée par les nombreux gros plans qui ajoutent au réalisme et à la sensation de proximité que nous avons avec la scène. Si le jeu des acteurs, renforcé par la proximité et la qualité des images, donne l’impression d’être au cœur du drame, les décors et les costumes sont plus convenus : Hunding est en costumes, ce qui ne surprend plus depuis la célèbre Tétralogie de Boulez/Chéreau il y a près de quarante ans. Les Walkyries portent boucliers et casques gaulois (ou goths). Mais cela n’affaiblit pas un spectacle littéralement mémorable, dont ce DVD garde trace. Rattle est définitivement aussi un grand chef d’opéra.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Wagner (1813-1883)
La Walkyrie (Intégale)
Robert Gambill, ténor
(Siegmund)
Mikhaïl Petrenko, basse (Hunding)
Sir Willard White, basse (Wotan)
Eva-Maria Westbroek,
soprano (Sieglinde)
Eva Johansson, soprano (Brünnhilde)
Lilli Paasikivi, mezzo-soprano (Fricka)
Joanna Porackova, nezzo-soprano (Gerhilde)
Elaine McKrill, soprano (Ortlinde)
Julianne Young, mezzo-soprano (Waltraute)
Andrea Baker, mezzo-soprano (Schwartleite)
Erika Sunnegårdh, soprano (Helmwige)
Heike Grötzinger, mezzo-soprano (Siegrune)
Eva Vogel, mezzo-soprano (Grimgarde)
Anette Bod, mezzo-soprano (Sieglinde)
Berliner Philharmoniker
Sir Simon Rattle, direction
Stéphane Braunschweig, mise en scène
Don Kent, réalisation
Un DVD du label Bel Air Classiques BAC034
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Photo à la une : © DR