21 septembre 2008, Yannick Nézet-Séguin ose diriger, devant le public de Dresde qui y a vu et entendu Eugen Jochum puis tant d’autres, la Troisième Symphonie d’Anton Bruckner, probablement l’une de ses plus difficiles, en tous cas de ses moins offertes.

Pari risqué, et absolument gagné. Le choix de la version de 1873, en cours chez les Dresdois depuis 1946, n’y est pas pour rien, qui donne toute son ampleur au génial misterioso initial. Sous la baguette du jeune montréalais, le temps musical prend des allures d’éternité. Il a compris le ressort poétique de cette symphonie visionnaire : ses nombreux arrêts qui ouvrent sur de vastes paysages en pianissimo où le son doit se creuser comme si le Wanderer disparaissait dans la nature. Et il faut entendre comment la Staatskapelle répond à cette sollicitation vers le silence, l’effacement, avec quelle concentration le quatuor dit cette musique qui se dissout en elle-même.

Ah justement, je crois ne pas avoir entendu la 3e Symphonie aussi finement interprétée depuis Jochum avec le même orchestre, preuve que Yannick Nézet-Séguin a atteint la maturité nécessaire pour être absolument chez lui, et libre surtout, dans les vastes architectures bâties par Bruckner : dans son geste, les immenses colonnes harmoniques font tout entendre, arcs-en-ciels où passent des anges, mais le chant têtu, mille fois brisé et toujours renaissant, est là aussi. Ecoutez l’Adagio, prié, qui s’élève imperturbable, de ses voiles gris. Si cela n’est pas entendre la spiritualité de cette musique !

Tout grand disque. Même si Yannick Nézet-Séguin boucle son intégrale Bruckner avec son orchestre de Montréal – voici peu, j’écrivais tout le bien que je pensais de leur Deuxième Symphonie – il faut espérer la suite de ce cycle à Dresde, et sa publication.

LE DISQUE DU JOUR

Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 3

Staatskapelle Dresden
Yannick Nézet-Séguin,
direction

Un album du label Hänssler/Profil PH12011 (Edition Staatskapelle Dresden, Vol. 39)
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Photo à la une : © Chris Lee