Le chant de Toblach

J’espérais bien que Jonathan Nott, auteur d’une remarquable intégrale des Symphonies de Mahler où les Bamberger Symphoniker se surpassèrent et que Tudor vient de réunir dans un beau coffret, nous offrirait son Lied von der Erde. D’ailleurs, il nous en offrira bientôt un second avec les Wiener Philharmoniker et Jonas Kaufmann y sonnant ténor puis baryton. On verra.

A Bamberg, Nott en reste également aux voix masculines, lecture unique que je ne suis pas près d’épuiser en ce qu’elle me semble aller très loin dans la lyrique de l’œuvre. Roberto Saccà, un Florestan, un Empereur de la Frau, ne barguigne pas dans ses lieder d’ivresse, d’esseulement ou de pâmoison : le timbre est sans charme, les mots claquent, l’orchestre fulmine et tonne, c’est expressionniste comme plus vraiment on ne l’aura osé depuis Patzak et Walter, cela vous saisit immédiatement.

Le contraste avec le chant soupesé, millimétré, d’une précision fanatique en regard des notes et des mots que Stephen Gadd propose pour les trois poèmes en clé de fa est total, comme s’il y avait deux œuvres. Miracle, c’est la direction, fluide et impérieuse à la fois, qui fait le pont. Si le timbre de Gadd est limité, et même d’ailleurs ses moyens, son intelligence des subtilités de l’Abschied lui permettent d’en chanter et d’en dire tout. C’est sciant de sensibilité, et cela diffère absolument de ce que les barytons y auront tenté jusqu’ici.

Mais en achevant l’écoute, je me prenais à rêver d’une autre version où Jonathan Nott trouverait un ténor plus lyrique et une vraie contralto (Fujimura ?). Qui sait ? Un troisième Chant de la Terre l’amènerait peut-être à passer outre ses préventions envers la Dixième Symphonie. Il y serait probablement unique par ce savant mélange de lyrisme et de modernisme qu’il aura infusé tout au long d’un cycle dont la critique française n’a pas pris la mesure.

La couverture du disque montre une toile magique de Kokoschka, un de ses rares paysages qui nous replongent dans les Dolomites, inspiratrices des adieux musicaux de Mahler à cette terre tant aimée.

LE DISQUE DU JOUR

cover mahler lied bamberg nott tudorGustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde

Roberto Saccà, ténor
Stephen Gadd, baryton
Bamberger Symphoniker
Jonathan Nott, direction

Un album du label Tudor 7202
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Photo à la une : © DR