1927, pour célébrer le centième anniversaire de la mort de William Blake, Ralph Vaughan Williams met en musique les visions sonores que lui inspirent les illustrations du Livre de Job. Ce grand Mask pour orchestre, pensé pour le ballet, qui donne à voir fidèlement les dessins de Blake, et même incarne en sons sa poésie si fulgurante est une de ses partitions les plus complexes.
Parvenu au fait de son art, dans sa glorieuse cinquantaine, Job sera pour Vaughan Williams l’occasion de résumer toute la modernité de son fabuleux orchestre, d’atteindre dans l’utilisation des folksongs une dimension supplémentaire – non plus d’abord mélodique mais harmonique – et d’intégrer dans sa grammaire la stylisation de formules typiques de l’ère élisabéthaine.
Jusque là, seul Sir Adrian Boult en avait percé les mystères et fait résonner la langue âpre et fulgurante : il l’aura enregistré trois fois. Sir Andrew Davis y revient lui aussi, auteur d’une première version avec l’Orchestre Symphonique de la BBC voici quelques lustres : lecture classique, impeccable, un peu vide, l’orchestre jouant tout seul, alors qu’à Bergen, il aura dû l’apprendre à ses musiciens, occasion d’une nouvelle immersion dans cette partition foisonnante.
Les couleurs plombées, le grain de granit si nordique de l’orchestre norvégien va comme un gant à la langue âpre de ce ballet fulgurant, avive ses alliages sonores surprenants, comme celui de la Sixième Scène, donne aux formes archaïques et aux modes étrange toute leur puissance suggestive, Sir Andrew Davis sculptant d’un ciseau précis tout une galaxie de son que les ingénieurs de Chandos saisissent avec art.
Car la prise de son est autant à fêter que l’interprétation, comme le prouve encore une des lectures les plus tempétueuses de la 9e Symphonie jamais réalisée depuis celle, historique, de Sir Adrian Boult (inoubliable disque Everest). Prémices d’une nouvelle intégrale ? Je l’espère.
LE DISQUE DU JOUR
Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
Job, a Mask for Dancing
Symphonie No. 9 en mi mineur
Orchestre Philharmonique de Bergen
Alexander Kagan, violon
Sigurd Melvær Øgaard, orgue
Sir Andrew Davis, direction
Un album du label Chandos CHSA 5160
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