Florian Uhlig, qui a offert à ce jour l’intégrale du piano de Maurice Ravel la plus complète, poursuit chez le compositeur du Boléro. Après un album regroupant autour du Concerto en sol la Fantaisie de Debussy, le Concerto de Poulenc et le Concertino de Jean Françaix, il marie cette fois le Concerto pour la main gauche avec des opus encore moins courus.
Françaix y reparaît avec son Concerto de 1936, danse tranquille au bord d’un volcan pas si endormi que cela. Son esprit de pur divertissement ricane plus qu’il ne devrait, c’est une partition où le caustique le dispute au délicieux, et Uhlig le musarde en bouts de doigts, s’y amuse et pince l’auditeur au plus impromptu. Que c’est bien fait ! et joué dans et avec l’orchestre dont Pablo González s’amuse en virtuose. Tout le Concerto est un babil subtil dont je ne me lasse pas.
Vraie perle de l’album, la Ballade que Germaine Tailleferre composa à l’orée des années vingt. De la musique « en rêve » qui finira par un prégnant coucher de soleil endormant une fête populaire, mais tout cela composé avec une invention, écrit pour un orchestre atmosphérique admirable qui regarde bien plus vers Ravel que vers ses amis des « Six » ; cette partition si suggestive plaide haut et fort pour une réévaluation de son œuvre. Florian Uhlig devrait nous révéler les deux Concertos pour piano et le Concerto pour deux pianos, saxophone et orchestre.
Autre découverte, tout aussi majeure, la Fantaisie (variée) que Nadia Boulanger achève en 1912, sommet (avec l’opéra sur un livret de D’Annunzio qu’elle composa à quatre mains avec Raoul Pugno, La ville morte) d’un œuvre qui cessera quasiment avec la mort de sa sœur Lili en 1918. La maîtrise de la forme – qui au prélude cite les Variations symphoniques de Franck pour mieux s’en défaire – s’y marie avec une invention poétique sciante qui indique qu’elle avait en grande part le talent de son génie de sœur. Le choix de la voie pédagogique nous aura donc privés d’un tout grand compositeur.
Et ce Concerto pour la main gauche par lequel Florian Uhlig ouvre son disque ? Il le joue dans des teintes de requiem, sans rien de fantasque, grande prière nocturne commencée dix ans après la fin de la Grande guerre. Le propos est inédit, saisissant, ce vaste tombeau si lyrique soudain dit une autre œuvre, tendre, recueillie, lecture assez admirable, inédite comme d’ailleurs les autres œuvres de ce disque qui me semble offrir trois premiers enregistrements mondiaux – à moins que, la Ballade de Tailleferre, j’ai un doute soudain, mais l’éditeur ne souligne rien.
Bravo, et maintenant tout un disque concertant de la magnifique Germaine, please !
LE DISQUE DU JOUR
Französische Klavierkonzerte, Vol. 2
Maurice Ravel (1875-1937)
Concerto pour piano et
orchestre en ré majeur, M. 82
Germaine Tailleferre (1892-1983)
Ballade pour piano et orchestre
Nadia Boulanger (1887-1979)
Fantaisie variée pour piano et orchestre
Jean Françaix (1912-1997)
Concerto pour piano et orchestre
Florian Uhlig, piano
Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern
Pablo González, direction
Un album du label SWR Music SWR 1902
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Photo à la une : © DR