Quel bonheur éclatant s’échappe de toutes les œuvres de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville ! L’élan des thèmes, la profusion de l’orchestre qui imagine tant de couleurs, la noblesse du chant qui sait toujours saisir l’expression juste, voilà qui en fit dans le règne de Louis XV le seul rival possible de Jean-Philippe Rameau puisque Jean-Marie Leclair ne se risqua qu’une seule fois à la tragédie lyrique avec son stupéfiant Scylla et Glaucus.
Entrant à l’Académie Royale de Musique le 10 avril 1742, Mondonville y produit avec Isbé son premier opus scénique. Non pas une tragédie lyrique, mais une pastorale héroïque qui entend renouer avec un style et un type d’ouvrage qui avait fleuri à l’époque de Louis XIV. L’Isbé de Destouches en avait fixé le modèle absolu en 1697. C’est donc intentionnellement que Mondonville reprend les amours pastorales d’Isbé et de Coridon, les parant d’un orchestre voluptueux pour mieux les opposer à la grande machine de théâtre déployée par Rameau dans Hippolyte et Aricie justement repris la même saison, sans oublier de s’y confronter : la scène des Hamadryades évoque celle des Parques.
Revenir à l’ancien pour contrer le nouveau maintenant établi en règle – pastorale héroïque versus tragédie lyrique – le pari était risqué. Isbé plût pourtant mais ne sera pas repris. Mondonville y gagna l’estime et le droit de revenir, toujours plus brillant, sur la scène de l’Académie avec le Carnaval du Parnasse ou Titon et l’Aurore. Sa cause était entendue.
György Vashegyi et sa vaillante troupe se dévouent à la cause de Mondonville, leur premier opus avait réuni quatre Grands Motets (dont trois enregistrés en première mondiale) emportés d’un geste fulgurant, merveilles que vous devez connaître, car Mondonville surclasse ici Rameau. D’ailleurs, la troupe hongroise devrait y donner une suite, je rêve de l’entendre dans In exitu Israël ou Venite exultemus.
Le coup de maître qu’ils viennent de produire avec cette première gravure mondiale d’Isbé, menée grand train tout en trouvant toujours le ton juste des pages de demi-caractère, dévoile rien moins qu’un chef-d’œuvre, porté avec art par un couple de bergers parfaits : le chant châtié de Reinould Van Mechelen évoque le grand style d’Eric Tappy, Katherine Watson donne de la chair à Isbé, Thomas Dolié est magnifique en Adamas finalement fléchi, mais tous sont à citer et d’abord le chœur virtuose qui déjà faisait flamboyer les Motets. Prise de son fastueuse ! Et maintenant Thésée ?
LE DISQUE DU JOUR
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772)
Isbé, pastorale héroïque
Katherine Watson, soprano (Isbé)
Reinoud Van Mechelen, ténor (Coridon)
Thomas Dolié, baryton (Adamas)
Chantal Santon-Jeffery, soprano (La Volupté, Charite)
Alain Buet, baryton (Iphis, 3e Hamadryade)
Blandine Folio Peres, mezzo-soprano (La Mode, Céphise)
Rachel Redmond, soprano (L’Amour, Clymène, Une Bergère, Une Nymphe)
Artavazd Sargsyan, ténor (Tircis, 1ère Hamadryade, Un Dieu des bois)
Márton Komáromi, ténor (2e Hamadryade)
Purcell Choir
Orfeo Orchestra
György Vashegyi, direction
Un album du label Glossa GCD934001
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Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville
De profundis
Magnus Dominus
Nisi Dominus
Cantate Domino
Chantal Santon-Jeffery,
soprano
Daniela Skorka, soprano
Mathias Vidal, ténor
Jeffrey Thompson, ténor
Alain Buet, baryton
Purcell Choir
Orfeo Orchestra
György Vashegyi, direction
Un album de 2 CD du label Glossa GCD 923508
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Photo à la une : © DR