The Seasons : Haydn, comme pour La Création avait pensé son oratorio en deux langues, allemand ou anglais, ses succès londoniens l’y obligeaient, l’origine britannique du poème de James Thomson l’y incitait malgré les réserves de Van Swieten qui lui rédigeait le livret en l’épuisant de ses suggestions.
C’est donc avec l’idée de retrouver les fastes de la création londonienne que Paul McCreesh enregistre cette fresque somptueuse où s’alternent l’intime et le grandiose, se mêlent la description et la célébration et qui se clôt sur un « Amen » voulant faire croire à une œuvre bercée de sacré.
Mais c’est l’Être Suprême qui rayonne ici et que l’on prie en termes dionysiaques, le même que Beethoven célébrera dans sa Missa Solemnis. L’œuvre est tout autant d’inspiration et quasi d’obédience maçonnique que ne l’était plus explicitement peut-être La Création : un manifeste de l’Aufklärung, un sacré de l’Être des Lumières qui ouvre sur le romantisme bucolique dont Beethoven s’emparera dans sa Pastorale. Mieux, en partant des poèmes de Thomson, il corrige le livret massacré par Van Swieten. Pour l’auditeur anglophone, le gain est assez considérable, qui rend l’anglais bien plus idiomatique à la musique de Haydn.
S’appuyant sur l’effectif pantagruélique des créations viennoises et anglaises, il y assemble une multitude qui emporte le tout avec un brio extraordinaire et fait littéralement éclater les grandes pages descriptives : vous ne serez pas prêt d’oublier le charivari de La Chasse ou celui des buveurs rythmé de percussions fastueuses.
Partout les couleurs fusent, l’oreille se transforme en œil tant les tableaux sont vivants, le geste alerte, la fluidité omniprésente grâce à des récitatifs sans appuis et des airs débarrassés de toute déclamation : les trois solistes chantent un anglais sonore, poétique, piquant, qui semble tourner le dos à l’aspect démonstratif auquel tant de versions allemandes achoppent.
Réponse enthousiasmante à sa Création d’il y a exactement dix ans, parue trop discrètement sous étiquette Archiv. Le luxe de présentation que lui offre aujourd’hui Signum Records confirme qu’il a eu infiniment raison de changer d’éditeur.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Les Saisons (version anglaise)
Carolyn Sampson, soprano
Jeremy Ovenden, ténor
Andrew Foster-Williams, baryton
National Forum of Music Choir
Wroclaw Baroque Orchestra
Gabrieli Consort and Players
Paul McCreesh, direction
Un livre-disque de 2 CD du label Signum Classics SIGCD480
Acheter l’album sur le site du label Signum Records, sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : © Ben Wright