Tout le chant de Jacques Jansen et l’âge d’or de sa voix aura été capturé dans le fameux Pelléas et Mélisande que Désormière et son équipe ont gravé en pleine Occupation. Passé la guerre, le timbre se fana, le répertoire s’allégea, de toute façon rare, et en quelque sorte disparu pour cet absolu baryton-martin qui se voua au genre de fantaisie, mais garda son Pelléas assez longtemps pour l’offrir à André Cluytens ou à Inghelbrecht.
Le timbre assez magique avec ses élans, la grâce de ses phrasés longs – conquis pour lutter contre une pneumonie qui faillit l’emporter adolescent – s’étaient donc envolé lorsque Decca en 1952 enregistra à la Maison de la Mutualité de quoi publier deux 25cm qui reparaissent ici.
Malgré Jacqueline Bonneau, le chanteur paraît nu dans les Ballades de François Villon et Le Promenoir des deux amants où pourtant passe l’art de dire que Panzéra et Croiza lui avaient appris en ses jeunes années.
Le ton très libre des Chabrier le réchauffe, lui fait oser ce ton assez parisien qui reparaissait parfois même dans ses conversations, les Hahn, plus rares encore, parfaits de style et de mots, avivent encore les regrets et ne tiennent que peu devant ceux qu’Endrèze grava pour l’éternité, mais tout de même Quand je fus pris au Pavillon, Phyllis, les Chansons grises, comment s’en déprendre ?
Il suffit que la flûte de Rampal et le violoncelle de Gendron s’ajoutent au piano de Jacqueline Bonneau pour que les couleurs et les timbres refleurissent dans cette voix. Ses Madécasses prestes, évocatrices, sont les plus féminines qui aient jamais coulées des lèvres d’un homme, petit miracle de poésie où soudain le sourire mélancolique de son Pelléas reparait. Rien que pour cela…
LE DISQUE DU JOUR
Jacques Jansen
The Decca Recitals
Maurice Ravel (1875-1937)
Chansons madécasses, M. 78
Claude Debussy (1862-1918)
Trois Ballades de
François Villon, L. 119
Le Promenoir des deux amants, L. 118
Fantôches (No. 2 des “Fêtes galantes”, L. 80)
Emmanuel Chabrier (1841-1894)
Les cigales
Ballade des gros dindons
Villanelle des petits canards
À l’île heureuse
Reynaldo Hahn (1874-1947)
Quand je fus pris au Pavillon
Chansons grises
L’incrédule
Paysage
Phyllis
Si mes vers avaient des ailes
Mai
Jacques Jansen, baryton
Jean-Pierre Rampal, flûte
Maurice Gendron, violoncelle
Jacqueline Bonneau, piano
Un album du label Decca 4824603 (Collection Eloquence Auystralia)
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Photo à la une : © DR