Moscou-Paris

À l’automne dernier, un disque partagé entre Ravel et Debussy m’avait étreint. Gaspard de la nuit, le Premier Livre de Préludes et L’Isle joyeuse par un jeune pianiste russe de haut lignage, Arseny Tarasevich-Nikolaev, rien moins que le petit fils de Tatiana Nikolayeva. À vingt-trois ans, publier un premier album aussi parfaitement mené m’avait bluffé.

J’ai trop longtemps attendu pour écrire à son sujet, tant la fluidité de ce jeu, ses couleurs si denses et pourtant si volatiles, l’ampleur de ce piano qui comme celui de sa grand-mère dédaigne les marteaux, vrai miracle d’ondes sonores, avaient défié ma plume, la laissant en quelque sorte épuisée d’admiration. Mais voilà, le jeune-homme vient de signer chez Decca, un récital russe devrait paraître l’année prochaine.

N’attendez pas pour découvrir un tel talent, d’autant que ce premier disque entièrement français est en quelque sorte un manifeste : dès le murmure d’Ondine, vous serez fasciné par les subtilités d’un toucher inouï qui transforme la virtuosité de Scarbo en une pure fantasmagorie.

Les Debussy vont plus loin encore dans un raffinement du son, dans un art de la suggestion qui disent tout des sortilèges impondérables de certains Préludes : Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir si triste, Des pas sur la neige étirés à l’infini, le saltarello féérique des Collines d’Anacapri et cette Cathédrale immuable, jamais vous ne les aurez entendus dans cette estompe magique et sinistre à la fois, premières notes d’un artiste que je pressens immense. Sa grand-mère eut été fière.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Gaspard de la nuit, M. 55
Claude Debussy (1862-1918)
Préludes, Livre I, L. 117
L’isle joyeuse, L. 106

Arseny Tarasevich-Nikolaev, piano

Un album du label Acousence Records AC0-CD 12616
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Photo à la une : © DR