Tradition revisitée

La photographie qui illustre le livret, où l’on voit Thomas Hengelbrock posant devant la Elbphilharmonie pourrait prêter à confusion : les quatre Symphonies de Brahms, données dans leur ordre chronologique le 22 mai 2016, entreprise fleuve, le furent dans la magnifique Laierzhalle où l’Orchestre de la NDR de Hambourg donnait historiquement ses concerts, mais l’album des DVD qui vient de paraître nomme bien l’orchestre de son nouveau patronyme : NDR Elbphilharmonie Orchester.

La formation est rompue aux Symphonies de Brahms, dont elle est un interprète majeur depuis les années quarante : Eugen Jochum, Hans Schmidt-Isserstedt, Günter Wand auront marqué de leur empreinte la culture brahmsienne de la formation à travers les générations. Ici, et sur ce sujet précis, la tradition n’est pas un vain mot.

Thomas Hengelbrock le sait bien, qui préside à ses destinées depuis la saison 2011-2012, il se garde de relire drastiquement les partitions de Brahms, mais, et cela est autant hérité de sa pratique historiquement informée du répertoire baroque que de ses études auprès d’Antal Doráti, la débarrasse des derniers lambeaux de legato qui continuaient à en faire le charme un rien suranné.

Ce Brahms est clair, agile, vif dès l’Intrada cursive de la Première Symphonie à la Passacaille conclusive de la Quatrième, on saisit à quel point la grammaire du compositeur du Requiem allemand y est moderne pour son temps, repoussant les limites de l’harmonie romantique pour découvrir d’autres horizons musicaux, complexifiant la forme, recherchant des équilibres sonores inédits. De tout cela, Hengelbrock rend compte avec l’humilité qu’on lui connaît : ce sont d’abord les partitions qui parlent, et il explique lui-même dans un passionnant bonus son rapport à la musique de Brahms et l’exégèse qu’il en a tirée.

Le voir diriger est d’autant plus précieux qu’il possède, à égalité avec Hartmut Haenchen une des plus belles gestiques d’aujourd’hui parmi les chefs d’obédience germanique, claire, élégante, expressive d’abord par les yeux, c’est un tout grand chef qui, parvenu à une radieuse cinquantaine prend pleinement possession du grand répertoire symphonique. Que son art soit enfin documenté par l’image n’est que justice. Et maintenant, son autre grand œuvre, les Symphonies de Schumann, s’il vous plaît.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73
Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98

NDR Elphilharmonie Orchester
Thomas Hengelbrock, direction

Un coffret de 2 DVD/Blu-Ray du label C Major Entertainment 741008
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Photo à la une : © © NDR / Florence Grandidier