Paavo Berglund s’était fait un nom en gravant avec l’Orchestre Symphonique de Bournemouth dans les années soixante-dix la plus vaste anthologie Sibelius jamais éditée au disque, poèmes symphoniques, symphonies, et deux œuvres majeures : l’une trop rarement jouée, Luonnotar, scène chantée narrant la création du monde, et Kullervo, l’opus flamboyant d’un jeune homme à la conquête de la modernité dont le chef finnois offrait la révélation par le disque.
Retournant chez lui dès 1975, nommé directeur de l’Orchestre Philharmonique d’Helsinki alors même qu’il continuait d’enregistrer son cycle Sibelius à Bournemouth, Berglund savait probablement déjà qu’il devrait graver à nouveau l’essentiel de son Sibelius avec l’orchestre finnois.
Le quatuor magnifique, bien plus virtuose que celui de Bournemouth, les bois si lumineux, la poétique sombre de tout l’ensemble qu’éclairait l’acoustique immaculée du Culture Hall s’accordaient naturellement à son tempérament. Il avait passé la cinquantaine, la rudesse de sa nature, son goût pour le foudroiement sonore laissaient place à un lyrisme tempéré qui se reflétait très exactement dans le parfait miroir sonore que lui tendaient enfin les Finlandais.
Ces Sibelius si lyriques les voici assemblés dans cette belle petite boîte qui en restitue les pochettes originales, et me replonge dans cette vision pacifiée, à l’esthétique un rien glacée. Berglund revient naturellement à Kullervo, plus poète qu’à Bournemouth, mais moins radical, la confrontation du frère et de la sœur dépareillé par une soprano timide (mais Kullervo c’est ici Hynninen, un maudit !) ne sera pas aussi terrible qu’en son premier essai, mais le dernier volet (la mort) est à pleurer.
Le triptyque central des symphonies – Nos. 3, 4, 5 – conçu comme une seule grande œuvre s’impose dans toute la singularité de sa vision, la 6e est magique d’allégement, de lyrisme, avec un Finale sans émotion, froid, intrigant. Il ne reviendra pas à Luonnotar, incapable de retrouver une soprano du calibre de Taru Valjakka, mais offrira une autre révélation, l’ardente cantate Tulen synty (L’origine du feu) que le disque n’avait jusque-là connue que par la version de Tor Johnsson.
Ensemble impérissable. Paavo Berglund reviendra à Sibelius encore une fois à la fin de sa vie, proposant avec l’Orchestre de Chambre d’Europe les seules sept symphonies – une épure qui sera son ultima verba.
LE DISQUE DU JOUR
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie No. 1 en mi mineur, Op. 39
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 43
Symphonie No. 3 en ut majeur, Op. 52
Symphonie No. 4 en la mineur, Op. 63
Symphonie No. 5 en mi bémol majeur, Op. 82
Symphonie No. 6 en ré majeur, Op. 104
Symphonie No. 7 en ut majeur, Op. 105
Kullervo, Op. 7
Tapiola, Op. 112
L’origine du feu (Tulen synty), Op. 32
Les Océanides, Op. 73
Finlandia, Op. 26
Notre terre natale (Oma maa), Op. 92
Eeva-Liisa Saarinen, mezzo-soprano
Jorma Hynninen, baryton
Choeur de la Société chorale de l’Académie d’Helsinki
Choeur d’hommes de l’Académie d’État d’Estonie
Orchestre Philharmonique d’Helsinki
Paavo Berglund, direction
Un coffret de 5 CD du label Warner 190295869151
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Photo à la une : © Yle