Pompe romaine

Le roman de Sienkiewicz sur les Chrétiens de Rome au temps de Néron devait être porté en musique, son succès international le commandait. Les prétendants furent nombreux, Emil Młynarski tenta l’expérience mais abandonna rapidement, finalement Feliks Nowowiejski emporta la palme. Oratorio ou opéra ? Il esquissa son projet lors d’un séjour romain en 1903 mais devant la complexité du matériau dramatique de Sienkiewicz et son ton parabolique, la forme de l’oratorio s’imposa : Nowowiejski, alors encore élève de Max Bruch qui n’en fut pas avare, dominait les arcanes du genre.

Le succès fut immédiat dès la création au Concertgebouw d’Amsterdam en 1909, l’œuvre dans sa version originale en allemand – celle en fait pratiquée par le compositeur dès son enfance, sa langue maternelle, et s’il parlait couramment polonais, il ne put jamais l’écrire – connut une large diffusion, pas moins de cent cinquante exécutions dans toute l’Europe mais aussi en Amérique : la création new-yorkaise fit grand bruit. Toute cette gloire disparut avec la Seconde Guerre mondiale.

Et voici que coup sur coup, deux enregistrements paraissent. Il faut passer sur la pompe épuisante de la première scène, vide de musique et pleine de bruit où les musicographes se plaisent à souligner des citations de la Symphonie « Résurrection » de Mahler que je n’ai pas aperçues, et aller directement au cœur de l’œuvre – roman ou oratorio d’ailleurs – la vision christique de Saint Pierre sur la Via Appia alors qu’il fuit Rome, seul moment où la musique peu inspirée de Nowowiejski trouve une illumination.

Difficile de départager les deux enregistrements, mais il me semble que celui fidèle à l’original en langue allemand dirigé par Piotr Sułkowski et magnifiquement capté par les ingénieurs de Dux va plus loin dans les bons côtés de l’œuvre et dispose d’un trio de solistes supérieur : la Ligie d’Aleksandra Kurzak, surtout le sombre baryton d’Artur Ruciński magnifique dans la scène de la Via Appia.

Mais d’un autre côté, la fougue déployée à Poznań par Łukasz Borowicz lors de la résurrection de la version polonaise est assez irrésistible. Quoi qu’il en soit, les deux nouvelles parutions surclassent aisément l’ancien enregistrement de Robert Satanowski.

LE DISQUE DU JOUR

Feliks Nowowiejski (1877-1946)
Quo vadis, scènes dramatiques d’après l’oeuvre d’Henryk Sienkiewicz, pour voix seules, chœur, orchestre et orgue, Op. 30 (version chantée en allemand)

Aleksandra Kurzak, soprano
Artur Ruciński, baryton
Sebastian Szumski, baryton
Rafał Siwek, basse
Arkadiusz Bialic, orgue
Górecki Chamber Choir
Warmia and Mazury Philharmonic
Piotr Sułkowski, direction

Un album de 2 CD du label Dux 1327/28
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Feliks Nowowiejski
Quo vadis, Op. 30 (version chantée en polonais)

Wioletta Chodowicz, soprano
Robert Gierlach, baryton
Wojtek Gierlach, basse
Slawomir Kamiński, orgue
Podlasie Opera and Philharmonic Choir
Poznań Philharmonic Orchestra
Łukasz Borowicz, direction

Un album de 2 CD du label CPO 555 089-2
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Photo à la une : © DR