Sir Thomas Beecham mena avec entêtement un même combat pour faire reconnaître en Angleterre les œuvres de Jean Sibelius et de Frederick Delius. Le second était pourtant anglais, de naissance certes, mais si peu en fait : sa vie aventureuse l’avait conduit en Floride, dans les fjords norvégiens, en Allemagne et finalement en France où il trouva la paix dans la cécité à Grez-sur-Loing.
Dès les années vingt, Beecham fonda le Delius Trust afin de récolter des fonds pour enregistrer sur 78 tours ses œuvres favorites du compositeur de Koanga, l’essentiel de cette part relativement oubliée de son héritage discographique qui avait fait l’objet d’une fugitive édition en deux coffrets de microsillons aux inimitables couvertures jaune au Royaume–Uni se retrouve dans le bel album de 7 CD regroupant le legs Delius qu’il aura fait paraître sous étiquette HMV (d’autres œuvres de Delius seront gravées pour la Columbia).
Les transferts ont été particulièrement soignés, c’est flagrant pour toutes les gravures 78 tours, jamais l’extraordinaire version d’Eventyr enregistrée en 1938 (seul Vernon Handley a pu en approcher la qualité d’inspiration) n’a sonné avec autant d’acuité, les couleurs incroyables mises à ce qui fut le premier enregistrement (1948 !) de A Village Romeo and Juliet (avec l’inoubliable dark fiddler de Gordon Clinton) se déploient enfin.
Et la même attention a été apportée aux reports des captations des années cinquante : écoutez seulement l’espace, l’aération qui dévoilent enfin tous les paysages de la fabuleuse version des Songs of Sunset où brillent les timbres sombres de Maureen Forrester et de John Cameron.
Chaque œuvre trouve ici sa version absolue, des fastueuses Dance Rhapsodies à la fresque tendre de Paris, de l’exaltant The Song of the High Hills au tempétueux et extatique Sea Drift (avec encore une fois le noir baryton de Gordon Clinton), du Coucou mélancolique à l’aventureux Paa Vidderne, l’esprit si subtil de Delius, son orchestre de peintre sont tout entiers capturés dans cette somme magique qui brille enfin de tous ses tendres éclats.
LE DISQUE DU JOUR
Frederick Delius (1862-1934)
Over the hills and far away
Sleigh Ride
Brigg Fair
Florida Suite
Marche Caprice
Dance Rhapsody No. 2
Summer Evening
On Hearing the First Cuckoo in Spring
Summer night on the river
A Song before sunrise
Fennimore and Gerda (extrait : Intermezzo)
Irmelin (extrait : Prelude)
Songs of Sunset
Dance Rhapsody No. 1
Concerto pour violon
Concerto pour piano
On the Mountains
A Mass of Life
A Village Romeo and Juliet
Sea Drift
In a Summer Garden
Hassan (extraits orchestraux)
Koanga (extraits orchestraux)
Appalachia (Variations on an Old Slave Song)
Eventyr (Once Upon a Time)
A Song of the High Hills
Paris – Song of a Great City
Selected Songs
Jean Pougnet, violon
Betty Beecham, piano
Dora Labbette, soprano
Maureen Forrester, contralto
John Cameron, basse
Gordon Clinton, baryton
Etc.
Royal Opera Chorus
BBC Chorus
London Philharmonic Orchestra
Royal Philharmonic Orchestra
Sir Thomas Beecham, direction
Un coffret de 7 CD du label Warner Classics 0190295869267
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Photo à la une : Le jardin de la maison Delius à Grez-sur-Loing, mis en peinture par son épouse, Jelka Rosen (détail) – Photo : © DR