La grande Sonate que Tchaïkovski acheva en avril 1878 souffre d’un premier mouvement plein d’effets de marche qui souvent sonne(nt) creux. Sviatoslav Richter y peignait un orchestre, Nikolaï Lugansky ne s’y engage pas, la joue avec une sorte de distance un peu froide, réfugié dans son admirable pianisme qui le garde bien d’en asséner le texte.
Il se réservait pour l’Andante où passe l’ombre de Schumann, y trouvant les pianissimos magiques de la partie centrale, cette nuit avec étoiles qui soudain révèle toute la tendresse du génie de Tchaïkovski. Le Scherzo sera sur les pointes, admirablement enlevé, le Finale caracolé, mesurant ses forte pour faire tout entendre de son feu d’artifices façon ballet.
Bien vu, mais ce n’est encore rien, car la vraie merveille de ce nouvel album reste Les Saisons, jouées comme improvisées, désarmantes par leurs naïvetés composées où vraiment le souvenir des cahiers pour les enfants de Schumann s’impose.
Nikolai Lugansky ne s’y livre pas autant que le faisait Pavel Kolesnikov (Hypérion, cf. ici le compte-rendu), sa nature pudique lui interdit de chanter autant que son cadet, mais dans le retrait des traits, dans l’équilibre rêveur des phrasés, dans ce clavier un peu mat où l’on entend les ombres, avec toute cette pudeur, le petit chef-d’œuvre de Tchaïkovski en devient émouvant au possible.
LE DISQUE DU JOUR
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Grande Sonate en sol majeur, Op. 37, TH 139
Les Saisons, Op. 37a, TH 135
Nikolai Lugansky, piano
Un album du label Naïve/Ambroisie AM215
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Photo à la une : © Marco Borggreve