Decca, publiant en intégrale les Symphonies de Mahler selon Sir Georg Solti, en retrancha les premières gravures londoniennes, mes favorites, assemblant une somme disparate de dates mais unifiée par le seul Orchestre Symphonique de Chicago.
Decca a réédité, dans un son correct la Résurrection de mai 1966, avec les merveilleuse Heather Harper et Helen Watts. Est-ce pour cela qu’Eloquence ne l’a pas repris ? Il le faudra pourtant, tant la qualité des reports qui revigorent les Première, Troisième et Neuvième me donnent le sentiment de les réentendre comme je les avais découvertes en microsillon : orchestre virtuose (le Scherzo de la Première est imbattable) qui sait timbrer les alliages de couleurs si particuliers à la syntaxe mahlérienne, d’une précision rythmique infaillible (le Kräftig de la Troisième), avec quelque chose de tranchant, dans le geste, dans le son, qu’à Chicago, Solti retrouvera pour les seules 5e et 6e.
Helen Watts est si stylée, si diseuse dans le Misterioso, quelle artiste prodigieuse que Solti accompagne sans trainer, créant des paysages sonores de lune trouble. Pour les Première et Troisième – de toutes grandes versions.
Mais la Neuvième ? Adolescent, elle me laissait sur ma faim, je revenais sans cesse à Bruno Walter, Otto Klemperer ou Sir John Barbirolli. La retrouvant de tempo si allant, d’un geste si léger, elle me parle soudain, lyrique, tendre ou terrorisée, qualificatifs qu’on n’aurait guère l’idée d’appliquer à l’art de Sir Georg Solti.
Et pourtant, c’est bien une lumière que veut imposer le chef hongrois, qui fait tout entendre d’une écriture complexe à l’extrême et ne laisse aucun détail dans l’ombre. Les tempos soutenus, absolument dans la pratique de Mahler chef, transforment l’orchestre en un immense organisme vivant, souvent d’une beauté entêtante : tous les épisodes piano de l’Andante, la longue divagation de l’Adagio où Solti ne respecte pas l’idée du tempo voulu par Mahler, qui indique Sehr langsam, et l’emporte en moins de vingt-trois minutes dans un mouvement d’une fluidité comme enivrée. Les deux scherzos grincent, hurlent, véritable Totentanz pour le Rondo, avec cet orchestre d’un métal insensé et cette timbale sèche que je ne trouve pas ailleurs.
Mais c’est le report qui change tout, donnant enfin à entendre la somptueuse stéréophonie déployée par Gordon Parry et James Lock au Kingsway Hall durant ces sessions d’avril et de mai 1967. Pas moins de six jours pleins pour enregistrer ce que Sir Georg Solti, au soir de sa vie, considérait comme un de ses meilleurs enregistrements. Je comprends mieux pourquoi aujourd’hui.
LE DISQUE DU JOUR
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 1 en ré majeur, « Titan »
Symphonie No. 3
Helen Watts, contralto
Wandsworth School Boys Choir
Ambrosian Opera Chorus
London Symphony Orchestra
Sir Georg Solti, direction
Un album du label Decca 4827177 (Collection Eloquence Australia)
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London Symphony Orchestra
Sir Georg Solti, direction
Un album du label Decca 4827163 (Collection Eloquence Australia)
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Photo à la une : © Decca