Méthodiquement, suivant un tant soit peu le fil chronologique, Ekaterina Litvintseva poursuit son voyage chez Rachmaninov. Son piano est toujours aussi beau, discret mais éloquent, avec un sens de la ligne vocale qui trouve d’emblée le ton de confession des magnifiques Morceaux de salon.

Rachmaninov était dans sa vingtième année, toute sa syntaxe y est déjà présente, avec ce grain de merveilleux, de lyrisme effusif et pourtant elliptique qui sera aussi celui des Suites à deux pianos. Ici aussi il y a des fantômes de valses et des rossignols dans la nuit, c’est de la pure poésie slave qui n’hésite pas à citer Tchaïkovski, et qu’Ekaterina Litvintseva joue avec des intuitions fulgurantes assorties d’un sens très fin du style : elle entend parfaitement et Tchaïkovski et Medtner dans cet Opus 10 où Rachmaninov s’avoue enfin absolument lui-même au piano, hommage et libération tout à la fois. Je n’en connais pas de meilleure interprétation, de plus cultivée, de plus éloquente.

Ses Variations sur un thème de Chopin seraient quasiment au même degré d’excellence si le souvenir de l’enregistrement autrement sombre et exalté de Jorge Bolet ne demeurait, immanquablement. Mais jouées et respirées large, très fluides pourtant, elles sont bien sous les doigts de la jeune Russe le chef-d’œuvre qu’on ne sait toujours pas reconnaître.

Magnifique second volume de ce que j’espère bien être une intégrale en devenir.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Morceaux de salon, Op. 10
Variations sur un thème de Chopin, Op. 22

Ekaterina Litvintseva, piano

Un album du label Hänsler/Profil PH17032
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Photo à la une : © DR