Ah ! que voulez-vous, on est à Bregenz, et pas dans le théâtre moderne réservé aux ouvrages moins courus, mais sur le lac où se dresse pour Carmen l’épouvantable et donc fatalement unique décor de la production, signé Es Devlin : les pattasses de Carmen, gitane filtre aux doigts (vue côté filtre), tenant les cartes fatales, dont certaines tomberont à propos, ou pas.
Honnêtement, il vaut mieux pour vous ne pas avoir fait le déplacement vers le Lac de Constance et regarder confortablement cette Carmen de votre canapé : au moins la captation finement menée permet-elle de saisir ce que Kasper Holten a voulu faire : un spectacle de pure tradition où rien ne déshonore et qui laisse, façon vieille école, à chacun le soin (ou pas) de sauver son personnage.
Daniel Johansson, de sa grande taille et de son ténor sculpté, donne à son Don José quasi trop d’assurance. Le français est passable, un style parfait le rachète, alors que l’Escamillo de Scott Hendricks déçoit, rogue mais plat, en voix mal placée et brouillonne, mais son français … enfin son Toast a de la fureur sinon de l’élan, contrairement à bien des pages où la direction sans style et inexplicablement fluctuante de Paolo Carignani défigurent l’orchestre et le drame de Bizet d’un même geste.
Mais, car il y a un mais, il faut voir cette Carmen pour Carmen. En rouge, la couleur de la mort (vous comprendrez très vite en regardant), Gaëlle Arquez éclate les cadres, élégante comme une Los Angeles, tragédienne comme une Callas, la voix du bon Dieu et un chic fou. Rien que pour elle, mais aussi pour la Micaëla d’Elena Tsallagova, cette soirée se gardera, preuve d’une grande cantatrice à ses débuts.
LE DISQUE DU JOUR
Georges Bizet (1837-1875)
Carmen, GB 9, WD 31
et aussi, des interviews avec le metteur en scène Kasper Holten et le scénographe Es Devlin
Gaëlle Arquez,
mezzo-soprano (Carmen)
Daniel Johansson,
ténor (Don José)
Scott Hendricks,
baryton (Escamillo)
Elena Tsallagova, soprano (Micaëla)
Jana Braumeister, soprano (Frasquita)
Marion Lebègue, mezzo-soprano (Mercédès)
Sébastien Soulès, baryton (Zuniga)
Rafael Fingerlos, baryton (Moralès)
Simeon Esper, ténor (Le Remendado)
Dariusz Perczak, baryton (Le Dancaïre)
Chœur du Festival de Bregenz
Chœur Philharmonique de Prague
Chœur d’enfants de la Musikmittelschule de la Ville de Bregenz
Wiener Symphoniker
Paolo Carignani, direction
Kasper Holten, mise en scène
Es Delvin, scénographie
Felix Breisach, réalisation
Un DVD du label C Major Entertainment CM742208
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Photo à la une : Gaëlle Arquez dans la production de Bregenz – Photo : © DR