Pour nous qui savons de Georges Prêtre son dévouement au répertoire français, sa carrière entre Poulenc et Callas, et qui l’avons vu si souvent diriger le répertoire national, quel étonnement devant le retour de ses disques de jeune homme alors qu’il était sous contrat pour la RCA. Lancé dans une carrière internationale qui ne cessa jamais (mais dont la connaissance ne parvint guère au public français, comme si une invisible barrière se dressait entre quasiment deux Georges Prêtre), il montrait à l’étranger un répertoire bien plus ouvert que celui illustré par son éditeur historique EMI.
Il aura fallu sa mort, pour qu’enfin Sony Classical ressorte ses albums RCA, et révèle le visage de ce que fut l’art de Georges Prêtre pour le public américain ou anglais, un jeune homme conquérant, qui imposait sa direction d’airain dans Sibelius, Strauss ou Rachmaninov, versé dans le post-romantisme comme aucun autre chef français alors.
Le Sibelius sont étonnants, roides, âpres, amers et violents, très instables de tempo, abrasifs, ils ne ressemblent à ceux d’aucun autre chef alors, mais ce sera Also sprach Zarathustra, dirigé droit et intense, qui crééra la vraie surprise, splendidement enregistré, dessiné dans chaque épisode avec un sens narratif que seul Karl Böhm savait y mettre.
Les deux Berlioz, Symphonie fantastique mais surtout un Harold en Italie peint à fresque, orgiaque, où l’alto de Walter Trampler est vraiment l’incarnation de Byron, sont si neufs de sonorités, si éclatants – qu’ils soient enregistrés avec le LSO ou avec Boston (passionnant d’adosser sa Fantastique aux gravures de Munch ou Ozawa) ! Ils se comparent si peu à ce tout ce que les chefs français faisaient ici, que j’en suis resté infiniment troublé.
Le chef d’opéra, impeccable et ardent, est parfait pour Traviata (où Caballé et Bergonzi font assaut de style, Prêtre n’aura jamais la chance de l’enregistrer avec Callas), un peu plus incertain pour la Lucia de Moffo, l’accompagnateur est simplement splendide, que ce soit pour le jeune Weissenberg qui délivre un 3e Concerto de Rachmaninov d’anthologie, pour le violon si épuré d’Uto Ughi dont je suis si heureux de retrouver le Mendelssohn, ou encore pour tout un récital de Shirley Verrett où il convoque les feux d’une scène imaginaire.
Coffret révélateur, décidément précieux, admirablement réédité.
LE DISQUE DU JOUR
Georges Prêtre
The Complete RCA Album Collection
Gaetano Donizetti (1797-1848)
Lucia di Lammermoor
Anna Moffo, soprano (Lucia)
Carlo Bergonzi, ténor (Edgardo)
Mario Sereni, baryton (Enrico)
Ezio Flagello, basse (Raimondo)
Pierre Duval, ténor (Arturo)
Corinna Vozza, mezzo-soprano (Alisa)
Vittorio Pandano, ténor (Normanno)
RCA Italiana Opera Chorus and Orchestra
Georges Prêtre, direction
Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata
Montserrat Caballé, soprano (Violetta)
Carlo Bergonzi, ténor (Alfredo)
Sherrill Milnes, baryton (Germont)
Dorothy Krebill, mezzo-soprano (Flora)
Nancy Stokes, soprano (Annina)
Fernando Iacopucci, ténor (Gastone)
Harold Enns, basse (Dottore Grenvil)
Gene Boucher, baryton (Barone Douphol)
Thomas Jamerson, baryton (Marchese d’Obigny)
RCA Italiana Orchestra and Chorus
Georges Prêtre, direction
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie No. 5 en mi bémol majeur, Op. 82
Chevauchée nocturne et lever de soleil, Op. 55
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 43
New Philharmonia Orchestra – Georges Prêtre, direction
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano No. 3 en ré mineur, Op. 30
Chicago Symphony Orchestra – Georges Prêtre, direction
Alexis Weissenberg, piano
Hector Berlioz (1803-1869)
Harold en Italie, Op. 16
London Symphony Orchestra – Georges Prêtre, direction
Walter Trampler, alto
Symphonie fantastique, Op. 14a
Boston Symphony Orchestra – Georges Prêtre, direction
Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour violon No. 2 en mi mineur, Op. 64
Max Bruch (1838-1920)
Concerto pour violon No. 1 en sol mineur, Op. 26
London Symphony Orchestra – Georges Prêtre, direction
Uto Ughi, violon
Richard Strauss (1864-1949)
Also sprach Zarathustra, Op. 30
Philharmonia Orchestra – Georges Prêtre, direction
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Verrett in Opera
Récital d’airs de Berlioz (Roméo et Juliette, La Damnation de Faust), Donizetti (Anna Bolena, La Favorita), Gluck (Orphée et Eurydice), Gounod (Sapho), Massenet (Werther) & Saint-Saëns (Samson et Dalila)
Shirley Verrett, mezzo-soprano
RCA Italiana Opera Orchestra – Georges Prêtre, direction
Un coffret de 12 CD du label Sony Classical 88985475672
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Photo à la une : la cover du LP Strauss, Also sprach Zarathustra pour RCA – Photo : © RCA