Arturo Benedetti Michelangeli donna un seul concert au Festival de Salzbourg, le 7 août 1965. Il refusa l’enregistrement de la seconde partie de la soirée, autorisa avec réserve que la radio autrichienne diffusât les deux premières œuvres du programme, les bandes originales dormirent donc jusqu’à aujourd’hui du sommeil des archives.
Orfeo a eu raison d’exhumer ces trente-neuf minutes de musique, car elles sont saisissantes. En portique, le pianiste italien fait flamboyer son œuvre-manifeste, la grande Chaconne de Bach où Busoni a mis son architecture impérieuse, emportée ici d’un seul geste, avec ce clavier à la fois solaire et glaciale où les détails s’intègrent à une vaste ligne, effet d’un art qui veut avant tout construire.
Contraste total avec la Troisième Sonate de Beethoven, jouée justement dans les détails, confrontant la puissance d’une structure symphonique à tout un vocabulaire d’affects, de sentiments que Michelangeli ne néglige pas : qui aura mieux fait ressortir les accents rococo, le ton mozartien, du second thème de l’Allegro con brio ? Arrau autant certainement !
Mais dans le feu du concert qui bousculait encore Michelangeli dans les années soixante, les doigts emportent tout en tempête, creusent l’espace du clavier, ouvrant d’insensées perspectives où s’engouffrent un orchestre.
Moment magique, où sans les idiosyncrasies du studio, sans les refroidissements du disque, Michelangeli paraît soudain dans tout son insolent apollinisme. Document majeur, enfin révélé !
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Chaconne de la Partita pour violon seul No. 2 en ré mineur, BWV 1004 (transcription : Busoni)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 3 en ut majeur, Op. 2 No. 3
Arturo Benedetti Michelangeli, piano
Enregistré dans le cadre du Festival de Salzbourg, le 7 août 1965
Un album du label Orfeo C943171B
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Photo à la une : Arturo Benedetti Michelangeli, à son piano, à Bolzano, en décembre 1960 – Photo : © DR