Enregistrer Salomé aujourd’hui paraît vain après tant de versions devenues légendaires, avec depuis Ljuba Welitsch (pour ne pas remonter plus amont de l’époque moderne) tant d’incarnations majeures. Pourtant, il aurait été dommage que cette Salomé donnée à l’Alte Oper Frankfurt le 10 septembre 2016 resta dans les cartons : ses atmosphères savamment réglées par la direction ample d’Andrés Orozco-Estrada distillant goutte à goutte un poison mortifère, quelque chose de languide et de terrible qui soudain nous met quasiment plus proche de Beardsley que de Strauss. C’est une Salomé qui se voit, qui se montre, un théâtre de sons où chacun trouve son exacte place dans le drame.
Emily Magee la chante droite, volontaire, inextinguible, ardente, sans grâce, sans sensualité, mais terrible dès ses premiers mots, terrifiant un Jochanaan dont les exhortations mêmes sont réduites par l’attrait de cette Salomé monstre, plus meurtrière que séductrice. Wolfgang Koch est soufflant de présence, donne une complexité humaine au prophète pas vraiment perçue depuis Dietrich Fischer-Dieskau, ce qui n’est pas peu dire.
Si j’ajoute l’Hérode cupide de Peter Bronder, l’Hérodiade vipérine de Michaela Schuster, un magnifique Narraboth, Benjamin Bruns, dont le timbre argenté me rappelle celui de Wieslaw Ochman, alors vous saurez que cette nouvelle Salomé n’est pas à dédaigner.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss (1864-1949)
Salomé, Op. 54, TrV 215
Emily Magee, soprano (Salome)
Peter Bronder, ténor (Herodes)
Michaela Schuster, mezzo-soprano (Herodias)
Wolfgang Koch, basse (Jochanaan)
Benjamin Bruns, ténor (Narraboth)
Claude Eichenberger, mezzo-soprano (Le Page)
Michael Pegher, ténor (Premier juif)
Benedikt Nawrath, ténor (Second juif)
Christoph Wittmann, ténor (Troisième juif)
David Lee, ténor (Quatrième uif)
Joachim Goltz, baryton (Cinquième juif)
Sung Ha, ténor (Premier Nazaréen)
Markus Grassmann, basse (Second Nazaréen)
Torben Jürgens, basse (Premier soldat)
Stephan Somburg, basse (Second soldat)
Peter Maruhn, basse (Un Cappadoce)
Babett Dörste-Ewald, contralto (Un esclave)
Frankfurt Radio Symphony
Andrés Orozco-Estrada, direction
Un album de 2 CD du label Pentatone PTC5186602
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Photo à la une : © DR