Valse ivre

Voici peu Alpha Classics, publiait les Diabelli implacables de Filippo Gorini, apprises auprès d’Alfred Brendel, elles m’avaient bluffé. Voici que sous la même étiquette paraît la proposition de Martin Helmchen, bravo donc à l’éditeur français ne pas craindre ce faux doublon.

Car Martin Helmchen est à revers de la lecture unitaire, radicale, de Gorini. Non que l’énergie n’y soit pas : ce piano en regorge même si ce ne fut jamais jusque-là le trait dominant de l’art de Martin Helmchen : mais Beethoven donne des audaces à son vocabulaire, et une sacrée carrure à sa sonorité, qui sait toujours aussi bien varier les dynamiques, creuser les mezzo-forte et les pianissimos, et raffine le discours fuyant, allusif, déstabilisant que Beethoven met en place comme un labyrinthe tout au long du cahier : bien des pianistes s’y sont perdus, et des auditeurs.

C’est pensé dans les moindres déviations, réalisé avec un fini pianistique sciant, et incarné sur tous les plans, dans le mystère nocturne d’un Grave e maestoso où se profile Schubert (Helmchen ne pouvait pas ne pas céder à cette tentation), comme dans la giffle du Notte e giorno faticar qui raille avec presque de la grandeur : ce Leporello se prend vraiment pour Don Giovanni.

Au terme de toutes ses folies savamment ordonnées, après une fugue pleine de fifres et de hautbois, Schubert à nouveau, un Minuetto comme joué dans une maison au fond de la forêt, en doigts étincelants, vient refermer ce souvenir d’une valse que le recueil a presque perdue. Les aigus se dorent, le soleil se couche dans les bruyères, le piano va se taire, un dernier accord.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Variations Diabelli, Op. 120

Martin Helmchen, piano

Un album du label Alpha Classics ALPHA386
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Photo à la une : © Giorgia Bertazzi