C’est entendu : de sa viole de prophète, Jordi Savall aura réinventé Marin Marais. Se doutait-il que son travail longtemps solitaire ouvrirait la voix à cette renaissance de cet instrument, renaissance dont Marais restera toujours l’heureux bénéficiaire, Tous les matins du monde oblige ?
Il n’aurait pas osé l’espérer. Je peux l’imaginer, écoutant le disque de Florence Bolton et de ses amis en souriant, l’âme heureuse de l’avoir en quelque sorte permis. L’album est magnifique, si vif, si plein de caractère, variant les affects, faisant Marais vivant au point qu’on a l’impression de le voir jouant la viole de son archet dansant. Écoutez seulement Le Jeu du Volant, petit chef-d’œuvre descriptif auquel il faut mettre un élan un rien fantasque, comme cela est enlevé ici !
Mais tous les visages de Marais paraîtront dans ce disque parfait, recommandable à qui voudra faire ses premiers pas dans cet univers, et d’abord celui du rêveur qui songe entre philosophie et émotion, saisi avec une finesse de jeu, une exactitude dans les sentiments par l’archet si juste de Florence Bolton. Tout l’album s’écoute et se réécoute, et toujours crée de nouvelles surprises, tant la profusion des idées de Marais, ses fantaisies et ses introspections s’incarnent dans la touche si fine et si vivante des trois amis.
Jolie idée, le contrepoint qu’apportent deux pièces de François Couperin, Les barricades mystérieuses et Le Dodo ou l’Amour au berceau (toutes deux transcrites habilement pour le théorbe par Benjamin Perrot), qui souligne la proximité entre les univers de ces deux musiciens poètes. La Rêveuse ferait bien de poursuivre chez Marais pour y traquer d’autres songes.
LE DISQUE DU JOUR
Marin Marais (1656-1728)
Pièces de viole
La Rêveuse
Florence Bolton
Benjamin Perrot
Un album du label Mirare MIR386
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Photo à la une : © Nathaniel Baruch