La vraie sonorité

Il faut bien l’admettre, la plupart des enregistrements d’Aldo Ciccolini ne rendent pas compte de la simplicité éloquente de sa sonorité, surtout ceux réalisés par son éditeur historique, EMI (sinon les microsillons mono, les Scarlatti, le premier album Séverac, le disque Chabrier, les Concertos de Ravel et la Fantaisie de Debussy avec Jean Martinon). Mais le grand âge venu, un disque Janáček paru chez un autre éditeur révélait enfin son piano profus et élégant, ce clavier de grande école dont la beauté n’avait rien à envier à celle de Sergio Fiorentino, Arturo Benedetti Michelangeli ou Dino Ciani.

Puis les « live » hélas peu nombreux encore à être dévoilés – des Préludes de Debussy enregistrés au Japon n’ont rien à voir avec ceux d’EMI – nous rendirent le vrai visage sonore de Ciccolini. Les échos de deux concerts londoniens en mai 2009, et octobre 2011 sont un apport précieux à sa discographie. Le 20e de Mozart, joué avec une clarté, une intensité, une simplicité surtout, sera pour beaucoup un étonnement : Ciccolini, à force de Satie et de Liszt, ne passait pas pour un mozartien, mais justement son art épuré, son toucher lumineux donnent à entendre tout le texte, et cette manière d’aller jusqu’au bout des phrases, d’articuler sans rien assécher dans un équilibre des deux mains qui magnifie la polyphonie tragique de ce ré mineur est en soi une perfection toute mozartienne que Yannick Nézet-Séguin accompagne avec des intentions inspirées.

Capté en 2011, le Deuxième Concerto de Rachmaninov, dont Ciccolini avait gravé en 1957 une version rapsode sous la direction de Constantin Silvestri étrangement assortie à son propos, est d’une fidélité au texte aussi remarquable que le fut la propre version du compositeur, et comme celle-ci, pas une once de pathos, des traits formés dans leur moindre détail, une simplicité éloquente qui sont les signes du grand art.

On y sent parfois une légère fatigue physique qui n’amoindrit jamais les textes ni la perfection de l’exécution, mais peut réduire les dynamiques, ce qu’entend en fin musicien Yannick Nézet-Séguin qui contient son orchestre sans en réduire l’intensité expressive.

Doublé magnifique, qui fait regretter leur collaboration si brève.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 20 en ré mineur, K. 466
Sergeï Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en ut mineur, Op. 18

Aldo Ciccolini, piano
London Philharmonic Orchestra
Yannick Nézet-Séguin, direction

Un album du label LPO Live LPO0192
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Photo à la une : © Kenzo Tribouillard/Pool/AFP