Ernő Dohnányi fut un pianiste considérable, ses 78 tours dédiés à Beethoven et à Mozart rappellent qu’il fut un virtuose de premier ordre, mais au service des grands textes qu’il éclairait d’une personnalité formidable. Il écrivit relativement peu pour son instrument, la puissance de son art se réalisait à plein dans les opus d’orchestre et sa veine lyrique lui aura d’abord dicté tout un catalogue chambriste qui est une véritable malle aux trésors.
Entre ces deux ensembles, l’œuvre de piano resserre des pages plus intimes, cahiers de pièces brèves qu’il faut savoir jouer avec esprit, mais pas seulement. Sofia Gülbadamova a bien compris que la fantaisie était leur maître mot – écoutez comme elle savoure la Musette stylisée de la Gavotte et Musette ou les nuances expressives qu’elle met dans la Pavane et la Pastorale des splendides Humoresken de 1907, le jeu allusif dont elle anime les Wintereigen de 1905, véritable petit journal intime des premières années berlinoises du compositeur.
Parmi ces cahiers secrets joués avec tant de poésie et d’esprit, un opus majeur : les Klavierstücke Op. 41, écrites dans l’adversité de l’exil, qui se referment sur un terrible lamento. Cloches est un glas qui sonne à la mémoire de ses deux fils emportés dans des circonstances particulièrement tragiques durant la Seconde Guerre mondiale. Sa strette exaltée montre à quel point la pianiste est entrée dans l’intime de cet univers si peu couru par ses collègues : qu’elle en soit remerciée.
LE DISQUE DU JOUR
Ernő Dohnányi (1877-1960)
Winterreigen, Op. 13
4 Klavierstücke, Op. 2
6 Pièces, Op. 41
Albumblatt
Gavotte et Musette
5 Humoresques en forme de suite, Op. 17
4 Rhapsodies, Op. 11
Sofia Gülbadamova, piano
Un album de 2 CD du label Capriccio C5332
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Photo à la une : La pianiste Sofia Gülbadamova – © DR