Burleske séduit les jeunes pianistes, qui songerait à s’en plaindre ? Après les fantaisies virtuoses de Joseph Moog, Denis Khozhukhin s’y risque, gourmant son clavier, faisant apparaître tout un petit théâtre de personnages, esquissant un univers délicieusement baroque où le rire n’a plus rien de démoniaque ; ses doigts légers, son jeu tout en esquisses font un merveilleux poème entre rêve et ironie, quelque chose comme un Lubitsch dont la caméra virevoltante saisirait une scène de bal dans tous ses détails.

Cette licence poétique n’est possible qu’avec un orchestre qui joue le jeu, sait s’alléger, danser, s’estomper, et l’on peut compter sur Marc Albrecht, straussien confirmé, pour fouetter l’ensemble.

Quelle belle phalange que le Netherlands Philharmonic Orchestra, jadis l’orchestre de Yakov Kreizberg, rompu à toutes les parts de l’œuvre de Richard Strauss grâce à l’intense travail déployé par Marc Albrecht aussi bien à l’opéra qu’au concert, et comme il brille dans une Vie de héros sans bruit et sans fureur : même le combat est stylisé. C’est que Marc Albrecht veut d’abord peindre le personnage et y subordonne les épisodes du récit. Si bien qu’on tient là une version totalement neuve du plus expansif des poèmes symphoniques de Strauss.

Svelte, élégant et pourtant brûlant, Marc Albrecht en magnifie les audaces de syntaxe, retrouvant le grand geste qu’y déployait Rudolf Kempe à Dresde, et ce n’est pas rien. Espérons que son cycle Strauss se poursuivra, les ingénieurs de Pentatone le captent si bien !

LE DISQUE DU JOUR

Richard Strauss (1864-1949)
Burleske pour piano et orchestre en ré mineur,
TrV 145
Ein Heldenleben, Op. 40,
TrV 190

Denis Kozhukhin, piano
Netherlands Philharmonic Orchestra
Marc Albrecht, direction

Un album du label Pentatone PTC5186617
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Photo à la une : Le pianiste Denis Kozhukhin – Photo : © DR