Le galbe de la phrase, le presque-rien de l’accent sur la note à peine retenue, une main gauche qui caresse, qui joue avec une telle tendresse la première page du Rondo en la mineur de Mozart ? Eric Lu, tout jeune pianiste américain (dix-neuf ans alors) qui dans ce premier disque capté lors de l’International German Piano Award dont il fut le lauréat en 2017, avoue d’emblée de troublantes affinités électives avec le répertoire viennois.
Il parle en poète chez Mozart, son jeu sans ostentation est d’une sensibilité assez inouïe, avec ce sens pour aller chercher l’émotion dans la nuance piano qui est le secret des grands pianistes – Wilhelm Kempff ne faisait pas autrement – pour forcer l’écoute de son public.
Les Impromptus D. 899 de Schubert sont tout aussi miraculeux de fluidité, d’écoute intime, mais ils révèlent plus encore la beauté d’un toucher qui modèle le son à peine la note : il y a du magicien chez ce jeune homme, un petit côté Gieseking si vous voyez ce que je veux dire.
Et Brahms ? La sonorité conquérante de l’Intermezzo en la mineur annonce un grand Opus 118, impressionnant jeu de lumière et d’ombres auquel manque juste l’élan naturel… cela viendra.
Mais cette façon d’entendre dans l’Allegretto un poco adagio d’abord le un poco, la grande décantation harmonique de l’Intermezzo en mi bémol mineur qui distille sa mystérieuse pluie de sons, voilà les preuves que ce poète du piano est aussi un magicien.
Je vous causerai bientôt de son album Chopin capté lors du Concours de Varsovie, et de son tout premier enregistrement publié sous étiquette Warner Classics.
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Rondo pour piano en la mineur, K. 511
Franz Schubert (1797-1828)
4 Impromptus, D. 899
Johannes Brahms
(1833-1897)
6 Klavierstücke, Op. 118
Eric Lu, piano
Un album du label Geniun GEN18603
Acheter l’album sur le site du label Genuin, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : Le pianiste américain Eric Lu – Photo : © Janice Carissa