Charles Owen en ses premiers disques avait avoué un tropisme fauréen qui nous a valu des Nocturnes et des Barcarolles aux harmonies amples, joués à plein piano ; à rebours de la chronologie de sa discographie, je découvrais un album Poulenc où brillaient les meilleures Soirées de Nazelle de la discographie, puis un disque Janáček d’une troublante poésie, son Sentier herbeux se haussant au degré de suggestion qu’y mirent Josef Pálenícek et Rudolf Firkušný.
L’art évocateur apporté aux vignettes de Janáček qui constituent un vrai cycle-promenade, la profondeur de son piano aux couleurs si appariées m’avaient justement fait penser qu’il serait chez lui dans les ultimes opus de Brahms. Le disque vérifie aujourd’hui mon intuition : chant large mais sculpté, harmonies fuligineuses, lignes polyphoniques surprenantes et ce toucher admirable qui jamais n’alourdit l’écriture, mais l’éclaire par un savant jeu de pédale, lui donne de l’air.
La qualité de son jeu – qui abolit les marteaux – projette les ultimes opus de Brahms dans une dimension impressionniste, quasi debussyste dans les Opus 118 et 119, qui surprend en bien. Après tout, Brahms est l’inventeur du piano moderne, ses ultimes cahiers n’ont plus rien à faire avec le post-romantisme, tout un nouveau langage s’empare du clavier et c’est précisément cela que Charles Owen fait entendre sur son splendide Steinway dans l’acoustique parfaite du Menuhin Hall de Cobham.
Osera-t-il chercher demain chez le jeune Brahms, celui des Sonates et des Ballades, les premières traces de cette tentation progressiste que Schoenberg soulignait à loisir ? Les deux Rhapsodies Op. 79, où l’écho de cette époque ressurgit, laissent penser que oui.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
8 Klavierstücke, Op. 76
2 Rhapsodies, Op. 79
7 Fantasien, Op. 116
3 Intermezzi, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118
4 Klavierstücke, Op. 119
Charles Owen, piano
Un album de 2 CD du label Avie AV2397
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Photo à la une : © Sim Canetty-Clarke