Pietro Scarpini

Récemment, j’appelais de mes vœux une édition de bandes de concerts de Pietro Scarpini, génie du piano trop peu illustré au disque et ignoré des grands éditeurs. Le hasard fait bien les choses parfois, me voici rapidement comblé.

Rhine Classics regroupe dans un premier album tout son legs Busoni ajoutant au Concerto avec Kubelik, que je fêtais ici même voici peu, la divulgation des Sonatines (dont celle sur Carmen, irrésistible), trois Elégies, le Journal indien et deux opus avec orchestre, le rare Romanza e Scherzoso (Abbado dirige !) et la plus courue Fantaisie indienne. La virtuosité transcendante de Scarpini ressuscite celle de Busoni, mais son intellect brillant rend ces pages absolument modernes.

Le pianiste Pietro Scarpini – Photo : © DR

Personne ne s’étonnera que cette défense de la modernité s’étende aux deux ultimes disques de ce premier coffret, dédiés à des opus rares de Liszt ! Malédiction, dirigé de nouveau par Abbado, n’a jamais été joué avec autant de densité, Nuages gris et quelques rares Chants populaires hongrois, des pages de L’Arbre de Noël et une pléiade de pièces grises de la fin désignent bien cette quête du moderne chez Liszt. Lecture imparable, indispensable.

Mais il ne faudrait pas que cet ensemble saisissant vous détourne du mince étui Mozart qui l’accompagne : deux disques seulement, mais bluffant par l’engagement physique, la hauteur de vue, la perfection pianistique, l’exigence stylistique et simplement la personnalité.

Les deux concertos (25 avec Rodzinski, précieux entre autres car Scarpini joue la cadence de Busoni pour l’Allegro maestoso, 27 divinement serti par Vittorio Gui) sont des merveilles tout à la fois de fluidité et d’éloquence avec des phrasés à tomber et un jeu d’une clarté d’articulation imparable.

Mais le disque des Sonates, où Scarpini est saisi par de très bons micros chez lui sur son piano en 1974 et 1975 est encore plus surprenant : la concentration de la Sonate K. 457, l’imagination qu’il met à sa dramatisation m’ont bluffé, tout comme la lecture souveraine de la Sonate K. 332, d’un classicisme dont le vernis est toujours prêt de céder.

D’une autre session, le Rondo K. 485 file, ludique, alors que l’Adagio en si mineur suspend le temps. À la toute fin, deux versions de l’Orgelstück K. 616, curiosité délicieuse et presque inquiétante, écoutez seulement. L’éditeur annonce pour janvier un troisième volume : 12 CD. Je suis certain que 2019 va bien commencer.

LE DISQUE DU JOUR

Pietro Scarpini
Discovered Tapes, Vol. 1 :
Busoni & Liszt

Ferruccio Busoni (1866-1924)
Concerto pour piano et orchestre en ut majeur, Op. 39, BV 247
Romanza e Scherzoso, pour piano et orchestre, Op. 54, BV 290
Sonatine No. 2, BV 259 « Sonatina Seconda »
Sonatine No. 3, BV 268 « Ad usum infantis Madeline M. Americanae »
Sonatine No. 4, BV 274 « In diem nativitatis Christi MCMXVII »
Sonatine No. 5, BV 280 « Brevis, in Signo Joannis Sebastiani Magni »
Toccata (Preludio – Fantasia – Ciaccona), BV 287 (2 versions)
Indianische Fantasie, Op.44, BV 264
Indianisches Tagebuch – Livre I, BV 267
3 Albumblätter, BV 289 (2 extraits : Nos. 2 & 3)
7 Elegien, BV 249 (3 extraits : VI. Erscheinung, Notturno – V. Die Nächtlichen, Walzer – II. All’ Italia! In modo napolitano)
Fantasie, Fuge, Andante und Scherzo, BV B 42
(d’après J. S. Bach, BWV 905, 969 & 844)

Fantasia contrappuntistica, pour deux pianos, BV 256b (4è version, 1921)
Improvisation sur un choral de J. S. Bach « Wie wohl ist mir », pour deux pianos, BV 271
Etude No. 2 en mi bémol majeur, BV B 70
(d’après No. 2 des « Grandes études de Paganini, S. 141 » de Liszt)

Franz Liszt (1811-1886)
Malédiction en mi mineur pour piano et cordes, S. 121
Consolation No. 1 en mi majeur, S. 172/1 (Andante con moto)
Sancta Dorothea, en mi majeur, S. 187
5 Klavierstücke, S. 192 (4 extraits : Nos. 1-4)
Trübe Wolken (Nuages gris), S. 199
La lugubre gondola I & II, S. 200
En rêve – Nocturne, S. 207
5 Ungarische Volkslieder, S. 245 (3 extraits : Nos. 1, 2 & 4)
Pater Noster (No. 5 des « Harmonies poétiques et religieuses, S. 173 »)
Ave Maria (Die Glocken von Rom) en mi majeur, S. 182
Weihnachtsbaum (L’Arbre de Noël), S. 186 (4 extraits : Nos. 1, 3, 4, 9)
In festo transfigurationis Domini nostri Jesu Christi, S. 188
Elegie No. 2 , S. 197
R.W. – Venezia, S. 201
Schlaflos! Frage und Antwort, S. 203
Recueillement – Vincenzo Bellini in memoriam, S. 204
Unstern! – Sinistre (Disastro), S. 208
Album Leaf – Prelude funèbre

Pietro Scarpini, piano
Symphonieorchester und Chor des Bayerischen Rundfunks
Orchestra Sinfonica della RAI di Torino
Orchestre National de l’O.R.T.F.
Rafael Kubelik, direction
Claudio Abbado, direction
Piero Bellugi, direction
Un coffret de 6 CD du label Rhine Classics RH-007
Acheter l’album sur le site du label Rhine Classics

Pietro Scarpini
Discovered Tapes, Vol. 2 :
Mozart

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 25 en ut majeur, K. 503 (Cadence : Busoni)
Concerto pour piano et orchestre No. 27 en si bémol majeur, K. 595
Sonate pour piano No. 12 en fa majeur, K. 332/300k
Sonate pour piano No. 14 en ut mineur, K. 457
Rondo pour piano en ré majeur, K. 485
Adagio pour piano en si mineur, K. 540
Variations en fa majeur sur « Ein Weib ist das herrlichste Ding», K. 613
Andante (Orgelstück für eine Uhr) en fa majeur, K. 616

Pietro Scarpini, piano
Orchestra del Teatro Comunale di Firenze
Orchestra Alessandro Scarlatti della RAI di Napoli
Artur Rodzinski, direction
Vittorio Gui, direction
Un album de 2 CD du label Rhine Classics RH-014
Acheter l’album sur le site du label Rhine Classics

Photo à la une : Le pianiste Pietro Scarpini – Photo : © DR