Tout jeune homme, déjà si grand, si fin, avec ce visage encore enfantin, Jean-Philippe Collard balançait entre deux mondes pour ses premiers microsillons EMI, débuts en fanfare avec deux cycles majeurs et contrastés, les Etudes-tableaux de Rachmaninov et les Barcarolles de Fauré.
Quelle émotion, en ouvrant le coffret qu’Erato consacre à une grande part de l’œuvre du maître ariégeois (piano, musique de chambre, œuvres d’orchestre, Requiem, Cantique de Jean Racine), d’y trouver la pochette de la première parution des Barcarolles où un Jean-Philippe Collard avec des allures d’adolescent sage pose dans un jardin hivernal. Et quelle merveille que sa version si éloquente, si chantée, où toute sa jeunesse anime un discours appassionato !
C’était l’alpha d’un long voyage chez Fauré, qui culminera par une intégrale des Nocturnes de poète, à l’opposé de celle d’Eric Heidsieck, impérieuse et splendide qui régnait depuis quelques temps au catalogue du même éditeur. Jean-Philippe Collard n’était pas moins grand pianiste, mais cherchait des voies plus intimes, creusait l’harmonie, distillait partout ce cantabile naturel si précis, si élégant qui capturait l’essence même de l’art fauréen.
L’intégrale se bouclera, toujours parfaite (Préludes magnifiques, Valses-caprices troublées et troublantes aux transparences ravéliennes), avec l’ami Rigutto pour tous les quatre mains y compris les Souvenirs de Bayreuth d’une impertinence irrésistible. Puis toute la musique de chambre avec les Parrenin, Augustin Dumay, Frédéric Lodéon, ensemble tout aussi éclairé d’un vaste soleil. Regret, l’éditeur n’a pas ajouté le disque de mélodies avec Frederica von Stade.
Et Rachmaninov, autre amour de sa jeunesse ? Il y revient tout juste, j’espérais les Préludes (qui seront peut-être l’objet d’un futur disque, qui sait ?), mais ce sont les si secrets Moments musicaux qu’il choisit. Ce même cantabile si fluide qu’il paraît immobile meut toujours son clavier clair, le grand jeu à dix doigts anime les textures si complexes du Russe, leur refusant tout pathos, cherchant dans ces pages de spleen l’étincelle merveilleuse qui rend la nostalgie si douce.
Quel pianiste-poète sur lequel les années n’ont aucune prise et qui continue d’ajouter disque après disque ce qu’EMI n’avait pas eu le temps de saisir de son répertoire : voici ses Tableaux d’une exposition. Impossible de ne pas entendre, derrière le piano de Moussorgski, l’orchestre de Ravel, tant son clavier de couleurs aquarellise l’ensemble, allégeant tout, préférant une éloquence pudique aux charges d’un certain expressionisme. Mais c’est pourtant à ses Moments musicaux que je retourne inlassablement.
LE DISQUE DU JOUR
Gabriel Fauré (1845-1924)
Les Nocturnes (Intégrale)
Thème et Variations en ut dièse mineur, Op. 73
Ballade en fa dièse majeur, Op. 19
9 Préludes, Op. 103
Les Barcarolles (Intégrale)
Les Impromptus (Intégrale)
Les Valses-caprices (Intégrale)
8 Pièces brèves, Op. 84
Mazurka, Op. 32
3 Romances sans paroles, Op. 17
Sonate pour violon et piano No. 1 en la majeur, Op. 13
Sonate pour violon et piano No. 2 en mi mineur, Op. 108
Berceuse en ré majeur, Op. 16
Romance en si bémol majeur, Op. 28
Andante en si bémol majeur, Op. 75
Morceau de concours
Sicilienne en sol mineur, Op. 78
Elégie en ut mineur, Op. 24
Romance en la majeur, Op. 69
Papillon en la majeur, Op. 77
Sérénade en si mineur, Op. 98
Sonate pour violoncelle et piano No. 1 en ré mineur, Op. 109
Sonate pour violoncelle et piano No. 2 en sol mineur, Op. 117
Fantaisie en ut majeur, Op. 79
Morceau de concours, pour flûte et piano
Trio pour piano, violon et violoncelle en ré mineur, Op. 120
Quatuor avec piano No. 1 en ut mineur, Op. 15
Quatuor avec piano No. 2 en sol mineur, Op. 45
Quintette avec piano No. 1 en ut mineur, Op. 89
Quintette avec piano No. 2 en ré mineur, Op. 115
Quatuor à cordes en mi mineur, Op. 121
Dolly-Suite, Op. 56 (version à 4 mains)
Intermède symphonique (version à 4 mains)
Souvenirs de Bayreuth (version à 4 mains)
Allegro symphonique, Op. 68 (version à 4 mains : Léon Böellmann)
Ballade en fa dièse majeur, Op. 19 (version avec orchestre)
Elégie en ut mineur, Op. 24 (version avec orchestre)
Berceuse en ré majeur, Op. 16 (version avec orchestre)
Fantaisie en sol majeur, Op. 111
Les Djinns, Op. 12
Caligula, Op. 52
Pénélope – Prélude
Pelléas et Mélisande, Op. 80
Masques et bergamasques, Op. 112
Shylock Suite, Op. 57
Requiem en ré mineur, Op. 48
Cantique de Jean Racine, Op. 11
Jean-Philippe Collard, piano
Augustin Dumay, violon
Frédéric Lodéon, violoncelle
Bruno Pasquier, alto
Michel Debost, flûte
Bruno Rigutto, piano (œuvres à 4 mains)
Quatuor Parrenin
Ensemble Vocal Alix Bourbon
Orfeon Donostiarra
Barbara Hendricks, soprano
Nicolai Gedda, tenor
José Van Dam, baryton
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Michel Plasson, direction
Un coffret de 12 CD du label Erato 0190295633578
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Sergei Rachmaninov (1873-1943)
6 Moments musicaux, Op. 16
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux d’une exposition
Jean-Philippe Collard, piano
Un album du label La Dolce Volta LDV45
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Photo à la une : Le jeune Jean-Philippe Collard à Paris – Photo : © Warner Music