Pour le Concerto pour violon de Benjamin Britten, longtemps mal aimé au disque et gravé par les seuls Mark Lubotsky et Ida Haendel (et en concert par Wanda Wilkomirska qui y était fabuleuse, une captation sous la baguette de Witold Rowicki a été révélée voici peu), la cause est désormais entendue : il est entré au répertoire de tous les grands violonistes de la nouvelle génération qui se battent pour l’enregistrer, Frank Peter Zimmermann en ayant signé la version absolue.
Pourtant, il faudra que vous soyez attentif au geste mélancolique, à la poésie nocturne, à l’archet méditatif qu’y déploie ici Sebastian Bohren, son violon est littéralement transporté par l’orchestre atmosphérique que compose Andrew Litton à la tête de sa bien-aimée phalange de Liverpool.
La plus lyrique des versions depuis celle de Lubotsky ? Absolument, et dans les tempos que lui choisissait le compositeur : le Moderato con moto est prodigieux d’ombres sinistres, traversé de rais de lumière rasantes, tout un crépuscule de sons qui vont s’endormir dans ce morendo incroyable où la cymbale semble pleurer. Quel art ! qui sait aussi animer sans violence démonstrative le terrible « moto perpetuo » du Vivace, et exhausser la grande Passacaille vers cette tension noire, âpre, qui emporte tout.
Comme à son habitude, le jeune violoniste suisse opte pour un programme ouvert qui pourra déconcerter : son Mendelssohn plus nostalgique que printanier surprend en bien, sa Sérénade mélancolique très tenue, en grand style, montre qu’il sait éviter le pathos, mais c’est d’abord au Concerto de Britten que vous reviendrez.
LE DISQUE DU JOUR
Benjamin Britten (1913-1976)
Concerto pour violon et orchestre, Op. 15
Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64
Piotr Illich Tchaikovski (1809-1847)
Sérénade mélancolique pour violon et orchestre en si bémol mineur, Op. 26, TH 56
Sebastian Bohren, violon
Royal Liverpool Philharmonic Orchestra
Sir Andrew Litton, direction
Un album du label RCA Red Seal 9075871142
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Photo à la une : le violoniste suisse Sebastian Bohren – © Brugg Windisch