L’opéra allemand retourne à l’Antiquité

Jusqu’à la composition de Salomé, Richard Strauss était un compositeur post-romantique brillant qui s’était illustré par de nombreux poèmes symphoniques très appréciés (Don Juan, Till l’espiègle, Don Quichotte …). Ces œuvres magnifiques et très accessibles associaient un orchestre wagnérien et le don de Strauss pour la narration et la coloration de l’orchestration. La découverte de ce compositeur doit commencer par ces poèmes symphoniques.

Le jour de la création de Salomé à Dresde en 1905 devant le monde musical d’alors (Mahler était dans la salle), Strauss devint le maître incontesté de l’opéra allemand de son temps, et consacra désormais à cette forme la majorité de son activité créatrice.

Strauss avait été attiré par la pièce d’Oscar Wilde et le scandale qu’elle avait suscité, et décida de prendre la pièce sans la modifier (à la traduction près) pour la mettre en musique. Il fit de même l’année suivante avec l’Elektra d’Hugo von Hofmannsthal, alors que l’opéra allemand ne s’était plus intéressé à l’Antiquité depuis les opéras de jeunesse de Mozart, d’ailleurs en italien. La violence, le réalisme, la sensualité de la musique des deux opéras de Strauss sont tels que ce dernier dut revenir à un style moins agressif pour ses opéras qui suivirent, Le Chevalier à la rose et Ariane à Naxos.

La pièce de Wilde regroupe toute l’histoire en un acte. Salomé rejetée par Jean-Baptiste exige sa tête et danse pour Hérode afin de l’obtenir. Elle se livre à une telle scène de folie avec la tête de Jean-Baptise qu’elle dégoûte l’assistance qui l’exécute.

Le documentaire passionnant qui complète le DVD montre les nombreux mois de préparation d’une telle production pendant lesquels se construisent les décors et les costumes, mais aussi les grandes idées de mise en scène et du jeu des acteurs. La mise en scène à Covent Garden est violente, avec sang et nudité, absolument dans l’esprit de l’œuvre. Due à David McVicar, l’un des metteurs en scène les plus intéressants du moment, elle est remarquable, pleine d’idées qui enrichissent le spectacle. Parmi celles-ci, citons la Danse des sept voiles transformée en une séduction de Salomé par son beau-père à travers sept âges et sept chambres jusqu’au dénouement final.

Sous la direction vive et lisible de Philippe Jordan, les chanteurs principaux se dépassent. Mention spéciale pour l’Hérode veule et faible de Thomas Moser et la princesse sensuelle et provocante de la belle Nadja Michael. Superbe réalisation sonore et visuelle, sans aucun doute la meilleure Salomé en DVD et Blu-Ray.

LE DISQUE DU JOUR

Richard Strauss (1864-1949)
Salomé, Op. 54, TrV 215

Thomas Moser, ténor (Herodes)
Michaela Schuster, mezzo-soprano (Hérodias)
Nadja Michael, soprano (Salomé)
Michael Volle, basse (Jochanaan)
Joseph Kaiser, ténor (Narraboth)
etc.

Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden
Philippe Jordan, direction
David McVicar, mise en scène

Un DVD/Blu-Ray du label Opus Arte 0996D
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Photo à la une : la soprano dans le rôle de Lady Macbeth (Verdi) – Photo : © Karen Almond /The Express News