À sa manière, Ruth Gipps aura été une héroïne : dans une Angleterre qui réinventait sa musique, elle tint bon, proclamant son attachement à la grande tradition britannique coulée d’Elgar, de Parry, de Stanford, et puis, elle était moderne à sa façon, élève chérie de Vaughan Williams qui lui corrigeait sa musique comme il avait fait avant pour Ina Boyle : elle écrivait son orchestre absolument évocateur, virtuose par le sens de la caractérisation, la puissance des effets, la certitude de toucher juste.

Comment croire que le disque, qui n’avait jusque-là illustré que les splendeurs de sa Deuxième Symphonie, de son Concerto pour cor, de celui pour piano, pouvait l’ignorer plus longtemps, lui qui avait déjà rendu justice à ces deux alter-egos, Rebecca Clarke et Grace Williams ?

Merci à Rumon Gamba d’oser un plein album qu’on espère comme le premier volume d’une anthologie plus vaste, et de révéler deux partitions majeures, le tumultueux Knight in Armor, œuvre saisissante d’une jeune fille de vingt ans déjà passée maître dans l’orchestration. Et comment ne pas entendre cinquante plus tard dans la subtile 4e Symphonie la persistance absolue d’un style unique et d’une personnalité imparable !

Hors du temps comme a toujours su l’être la musique anglaise, et moderne là où on ne l’attend pas, dans les détails, les arrière-plans, et non par révolution, sans aucun doute l’œuvre de Ruth Gipps figure-t-elle au premier plan. La Première Symphonie, le saisissant Death on a Pale Horse, le Chinese Cabinet de 1945, feraient un beau deuxième volume.

LE DISQUE DU JOUR

Ruth Gipps (1921-1999)
Symphonie No. 4, Op. 61
Knight in Armor, Op. 8
Symphonie No. 2 en si majeur, Op. 30
Song for Orchestra, Op. 33

BBC National Orchestra of Wales
Rumon Gamba, direction

Un album du label Chandos CHAN20078
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Photo à la une : Tableau de Sir Kyffin Williams (1918-2006), Evening Penmon – Photo : © DR