1964, Boris Tichtchenko, vingt-cinq ans, achève la rédaction de sa Deuxième Symphonie, un double portrait, celui de Marina Tsvetaeva, poétesse favorite de l’intelligentsia russe dont l’œuvre était encore alors tenue sous le boisseau par la soviétie, et au travers de ses poèmes, celui de la fille du Voïévode polonais, Marina Mniszek, au destin de laquelle elle s’identifia dans ses vers.
L’œuvre – épique – qui cumule un immense orchestre et un vaste chœur montre le jeune homme à la croisée des chemins : l’ombre de Chostakovitch s’étend encore sur son génie naissant, mais les éléments fondateurs de sa syntaxe, ostinatos, polyphonies, polymélodies, polyrythmies, écriture par zébrures harmoniques, percussion invasive, trompettes narquoises, éclatent à mesure que le brasier de l’œuvre s’étend. Même avec cette lutte contre l’influence, l’œuvre est fascinante, iconoclaste, et provoque une sorte d’ébahissement par ses audaces, sa vitalité inextinguible, ses ardeurs bruitiste, sa folie.
Le concert karélien de 1973 est le seul enregistrement que l’on possède de ce premier brulot, mais il est d’une telle urgence qu’on pourra avec lui patienter en espérant qu’une nouvelle version bénéficiant d’une prise de son plus virtuose permettra bientôt d’en apprécier le fourmillement : Robert von Bahr et les ingénieurs de BIS seraient bien inspirés d’oser un cycle Tichtchenko comme il le firent pour Schnittke.
LE DISQUE DU JOUR
Boris Tichtchenko (1939-2010)
Symphonie No. 2, Op. 28 “Marina”
Chœur du Conservatoire Petrozavodsk
Orchestre Philharmonique d’État de Carélie
Edward Chivzhel, direction
Enregistré en concert le 16 décembre 1973 au Théâtre Finnois de Petrozavodsk
Un album du label Northern Flowers NF/PMA 99105
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Photo à la une : le Monument to Marina Tsvetaeva à Moscou – Photo : © DR