Chopin ? Scriabine ? Chopin assurément. Rachmaninov venait juste de boucler son Opus 22, ses Variations sur un thème de Chopin, lorsqu’il s’attela au premier cahier des Préludes.

Cette filiation par l’esprit, Claire Huangci, auteur d’une intégrale des Nocturnes du Polonais à laquelle je reviendrai, la souligne à loisir de sa lecture intériorisée, mesurée, secrète, qui ne cherche jamais l’éclat, n’entend pas briller comme celle, archétypale et toujours trop méconnue, de Constance Keene.

Y eut-il jamais une intégrale si peu russe, si classique de ton, si intensément silencieuse – écoutez dans l’Opus 32 le raffinement sombre qu’elle met au grand Prélude en si mineur puis l’esquisse de passepied dans celui en si majeur qui suit, effleuré.

Quel beau piano, quel jeu d’une fausse simplicité où l’art cache l’art, quelle absence de pathos pour mieux faire résonner tout ce que ce piano a de moderne, je suis étonné soudain d’y entendre du Debussy, des clartés françaises jusque dans ce jeu subtilement ombré, une version différente à la musicalité souveraine, mais un conseil, boudez le célèbre Prélude en ut dièse mineur, joué métrique, sans ampleur, simplement raté, prélude malheureux aux vrais Préludes qui suivent.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
Prélude en ut dièse mineur,
Op. 3 No. 2
10 Préludes, Op. 23
13 Préludes, Op. 32

Claire Huangci

Un album du label Berlin Classics 0301075BC
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Photo à la une : la pianiste Claire Huangci – Photo : © Maike Helbig