Håkon Austbø, tout jeune homme, cheveux longs, s’était fait tirer le portrait pour illustrer la couverture de son premier disque chez un éditeur mystérieux, Saravah, on était au temps du microsillon. L’Humoreske de Schumann, jouée secrète, et les Miroirs de Ravel, tous aussi mystérieux, quel doublé magnifique !
Depuis, Messiaen et Debussy auront constitué les deux pôles d’une discographie choisie, mais reviendrait-il jamais à Ravel où il avait tant promis ?
En fait, il cherchait le piano idéal, il l’a enfin trouvé, un Steinway, le No. 77141 sorti des ateliers de New York en 1893, restauré à Hambourg en 2010. Ce sont ces Steinway boisés, aux timbres profonds, à l’aigu parfaitement harmonié au reste des registres de l’instrument que Rachmaninov goûtait tant. Ravel en touchât-il, dont les œuvres s’apparient plutôt dans notre imaginaire français aux sveltes Pleyel, aux somptueux Gaveau ?
Dès les vols incontrôlés des Noctuelles, la messe est dite. Ce piano enveloppant comme une nuit, c’est l’univers même de Ravel, sa langue poétique. Conscient de cette rencontre parfaite, Håkon Austbø joue le texte dans une fidélité absolue, un peu comme Casadesus ou Perlemuter : non qu’il disparaisse derrière la graphie magique des portées de Ravel, mais il la donne à entendre et même quasiment à voir.
Cette intégrale est une évidence, que ce soit dans un Gaspard de la nuit décanté, un Tombeau de Couperin troublant de poésie, comme doucement attristé, une Sonatine subtilement venteuse, des Valses nobles et sentimentales libres et précises à la fois, et de superbes pièces brèves, chacune sertie dans une atmosphère singulière – écoutez seulement les deux Menuets des années 1900 où le désarmant Prélude de 1913.
Mais ce sera aux Miroirs que vous retournerez pour vous étourdir des beautés de ce piano.
LE DISQUE DU JOUR
Maurice Ravel
(1875-1937)
L’Oeuvre pour piano
(Intégrale)
Håkon Austbø, piano
Un album de 2 CD du label Simax/PSC1366
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Photo à la une : le pianiste Håkon Austbø – Photo : © Fredrik Refvem