Blanche Selva, jouant Prélude, Choral et Fugue, y inventait un petit orchestre, reniant la grisaille d’orgue que tant de pianistes voudront y faire entendre, prisonniers de l’image du « Père Franck », dénomination odieuse.
César Franck à son piano rêve d’un orchestre, et cet orchestre Michel Dalberto l’invente dans les profondeurs de son Bösendorfer. Sa science des timbres et sa maîtrise des registres sont connues. Non pas un clavier mais des claviers où chante un arbre de couleurs dont les teintes sont bien plus précises que celles entendues d’habitude ici : les thèmes de Franck sont dits, portés par une parole qui s’incarne en des phrasés sostenuto où les harmonies se déploient. Cette main gauche qui n’alourdit jamais mais au contraire veut envoler la mélodie, comment ne pas se rappeler que Cortot faisait ainsi ? La Fugue pourra venir, ascension vertigineuse, quasiment rugueuse, une cathédrale de ténèbres.
La grande phrase mesurée qui ouvre Prélude, Aria et Final, belle comme une mélodie de Fauré, s’incarne, noble et fluide dans le modelé dont la caresse Michel Dalberto ; tout chantera, vrai jeu à dix doigts dont les polyphonies sont des jardins. De la poésie partout, et aussi une pudeur qui désarme et produit l’émotion.
Et le vaste Quintette océanique ? Âpre et profond, bercé en tempête par ses thèmes amers, l’œuvre aura échappé à nombre de ses interprètes. Michel Dalberto et le Quatuor Novus, archets à la corde, se souviennent-ils des noirceurs qu’y distillaient Sviatoslav Richter et les Borodine ?
En tous cas, le lumineux et tendre Prélude transcrit par Harold Bauer aura beau faire, il ne parviendra pas à apaiser par son sentiment d’éternité les sombres splendeurs de ce Quintette impérissable.
LE DISQUE DU JOUR
César Franck (1822-1890)
Prélude, Choral et Fugue,
FWV 21
Prélude, Aria et Final, FWV 23
Quintette pour piano et cordes en fa mineur, FWV 7
Prélude, Fugue & Variation,
FWV 30 (extrait : I. Prélude. Andantino, arr. Bauer/Dalberto)
Michel Dalberto, piano
Novus Quartet
Un album du label Aparté AP203
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Photo à la une : le pianiste Michel Dalberto – Photo : © 2015 Caroline Doutre