Les cordes dans leurs graves font une nuit que percent les violons, un célesta bat comme un cœur, le paysage s’agrandit. Non, ce n’est pas l’ouverture des Stigmatisés de Schreker, mais les quatre premières pages du chef-d’œuvre de Joseph Marx, Eine Herbstsymphonie, qui aura donc dû attendre un siècle avant d’être enregistré.
L’œuvre divisa la critique mais enivra le public lors de ses deux créations successives, Felix Weingartner la dévoilant à Vienne, Clemens Krauss assurant le concert à Graz, ville natale du compositeur.
Vous avez dit postromantique ? L’orchestre immense de Marx déploie une imagination sonore et une palette de couleurs qui l’associeraient plutôt au post-impressionnisme d’un Respighi et par instants ses saturations harmoniques le font approcher des Symphonies de chambre de Schreker, des Poèmes de Böcklin de Reger, du Pelleas und Melisande de Schönberg : l’expressionisme n’est jamais loin derrière ces étoffes de sons saturées de motifs, comme les toiles de Klimt.
L’œuvre est suffocante de beauté avec pour seul point faible l’épisode de musique orientale du Finale, écho du séjour turque du compositeur alors qu’il était en mission à Ankara, mais Johannes Wildner et l’Orchestre Philharmonique de Graz, rendant hommage à l’enfant du pays, savent le rendre anodin alors que partout ailleurs, ils soignent les ors et les incarnats d’une partiton splendide, sommet de la littérature orchestrale des années vingt, que Wilhelm Furtwängler regardait avec raison comme un chef-d’œuvre.
Ajout majeur à la discographie d’un compositeur que l’on redécouvre enfin et qui mériterait de voir l’autre part essentielle de son œuvre, les cent-cinquante et quelques lieder, entièrement enregistrée.
LE DISQUE DU JOUR
Joseph Marx (1882-1964)
Eine Herbstsymphonie
Grazer Philharmoniker
Johannes Wildner, direction
Un album du label CPO 5552622
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