Gerd Albrecht avait un goût pour les opus rares. Il alla en chercher jusque chez Prokofiev, réalisant sa propre version de la musique de scène que celui-ci composa en 1936 pour l’Eugène Onéguine de Pouchkine. Musique de scène ? Mélodrame plutôt où Prokofiev enveloppe d’un orchestre atmosphérique les cinq protagonistes d’un drame resserré à l’essentiel, allant d’Onéguine sur la tombe de Lenski à son ultime rencontre avec Tatiana.
Albrecht déploie un certain lyrisme là où Prokofiev se força à en mettre pour célébrer le centenaire de la mort de Pouchkine, et l’on ne peut s’empêcher devant le relatif classicisme de son écriture de penser qu’à la même époque, La Pravda étrillait Chostakovitch pour sa Lady Macbeth de Mzensk ! Mais du moins on peut entendre cette partition rare dans une réalisation parfaite : les comédiens sont splendides, Albrecht transcendant de poésie et de sens dramatique.
Plus rare encore, la suite symphonique tirée de la musique de scène écrite en 1934 pour le spectacle d’Alexandre Tairov (qui avait déjà présidé aux destinées du « nouvel Onéguine ») composé à partir de trois textes différents (dont majoritairement le César et Cléopâtre de George Bernard Shaw) : musique essentiellement illustrative, écrite sur le coin de la table, défendue aussi bien que possible par un chef qui aura beaucoup fait pour l’extension du répertoire discographique. C’est probablement son album le moins connu.
LE DISQUE DU JOUR
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Eugène Onéguine, Op. 71 – musique de scène
Nuits égyptiennes, Op. 61 – musique de scène
WDR Sinfonieorchester Köln
Gerd Albrecht, direction
Un album du label Orfeo C258031A
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Photo à la une : le chef d’orchestre Gerd Albrecht – Photo : © DR