Karajan aura fait sien le Requiem de Verdi, un chef d’obédience germanique dans ce répertoire aura surpris en bien, mais on oublie trop vite qu’il l’aura appris durant ses années scaligères où Vittorio de Sabata et Tullio Serafin étaient omniprésents, gardiens de l’esprit de Toscanini.
Depuis, les chefs d’orchestre d’école germanique se sont tenus à distance du chef-d’œuvre, alors que Mariss Jansons se l’est approprié : le Requiem de Verdi, grace à son père Arvid, mais aussi à Melik-Pachaïev, était devenue l’œuvre sacrée la plus populaire en Soviétie, comme chez ses colonies baltes.
Voici que Christian Thielemann l’ose, et à Dresde. Un Requiem saxon ? Il se garde bien d’en alourdir les structures, d’en solliciter comme tant de chefs au XXIe siècle le spectaculaire, préférant l’indifférence à tout effet, mieux !, il se trouve contraint en quelque sorte par la partition elle-même, à abandonner ses maniérismes qui dans son art veulent faire excuser la profondeur comme l’exaltation romantique.
Karajan ne faisait pas autrement, comme lui Christian Thielemann soigne une qualité de son et d’émotion, prône une absence de pathos qui donnent le frisson plus assurément qu’aucun excès. Mais contre Karajan, et même contre De Sabata ou son héritier, Riccardo Muti, il refuse au Dies Irae les à-pics de ses premières mesures pour mieux vous saisir dans la grande déploration du chœur au centre de cet enfer. Qui faisait ainsi ? Claudio Abbado, qui illuminait l’œuvre à la fois d’un ton littéraire et d’une dimension spirituelle appris chez Carlo Maria Giulini.
Admirable, serait-ce à la fin un de ses plus beaux disques ? L’excellence du chœur, un quatuor parfait où le bel canto de Krassimira Stoyanova s’enlace à l’Amneris de Marina Prudenskaja (il faut bien un peu d’opéra tout de même), où la basse sèche, ardente, de Georg Zeppenfeld contrebalance l’italianita de Charles Castronuovo (Ingemisco ombreux, magnifique, un Otello), et cette Staatskapelle, vrai diamant noir, offrent à Thielemann le plus implacable des Requiem de Verdi dont il ait pu rêver, et son plus savant.
LE DISQUE DU JOUR
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Messa da Requiem
Krassimira Stoyanova, soprano
Marina Prudenskaja, mezzo-soprano
Charles Castronuovo, ténor
Georg Zeppenfeld, basse
Sächsischer Staastopernchor Dresden
Staatskapelle Dresden
Christian Thielemann, direction
Un album de 2 CD du label Hänssler Profil PH16075
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Photo à la une : le chef d’orchestre Christian Thielemann à la tête de la Staatskapelle de Dresde – Photo : © Matthias-Creutziger