Scarlatti, Couperin, Rameau auront suffi à assurer la gloire posthume de Scott Ross dont on peine à croire qu’il a disparu voici déjà trente ans, tant ses disques nous restent vivaces, compagnons auxquels on revient régulièrement.
Oui mais voilà, si Warner eut soin de rééditer son intégrale solaire et tranquille des Sonates de Scarlatti, ses divins Couperin et Rameau du château d’Assas demeurent introuvables pour les jeunes mélomanes. Warner aura-t-il osé prendre langue avec Alain Villain, gardien des bandes originales de son label Stil ? En tous cas, cela semble être resté lettre morte.
Bach donc, pour ainsi dire en place de Couperin et Rameau, mais si Erato avait ses Partitas, son album où le plus dansé des Concerto Italien voisinait avec une lumineuse Ouverture à la française, EMI ses ultimes Goldberg, chant du cygne arraché à la maladie, cela faisait à peine un petit hommage. Or, Scott Ross aura laissé pour les micros de la CBC tout un Clavier bien tempéré dont Nicolas Bomsel savait l’existence.
L’amorce d’un projet plus vaste apparaissait ; après tout, Scott Ross, au lendemain du bouclage de ses Scarlatti avait dressé le plan raisonné d’une intégrale Bach, rêve devenu chimère, chimère qui pourtant s’anime aujourd’hui dans ce tendre et brillant coffret-hommage où s’ajoutent les captations réalisées par France Musique, souvent à l’initiative de l’ami Jacques Merlet qui savait mieux que quiconque d’où venait l’art des respirations, l’ampleur harmonique du jeu de Scott Ross, en fait son legato qu’on croyait improbable sur un clavecin : de l’orgue, qui fut son premier instrument. Scott Ross ne faisait pas différemment que jadis Helmut Walcha.
Scott Ross ne résistait jamais au plaisir de s’assoir devant les claviers de la « wondrous machine ». Partant en ballade sur les routes de traverse de la campagne française, dès que Jacques Merlet repérait un clocher, il fallait bifurquer, chercher le curé ou le maire, se faire ouvrir l’église, Scott Ross attendait qu’on l’autorise, il montait là haut et jouait, et si l’orgue lui plaisait… Temps disparus que ressuscite cette anthologie heureuse avec deux albums d’œuvres pour orgue là aussi captés par la CBC : écoutez seulement la grande Partita sur « Sei gegrüsset, Jesu gütig ».
Mais une autre merveille provint aussi de la Radio Canadienne : le 1er mai 1985, au Tabaret Pavillon d’Ottawa sur un très vif instrument d’Yves Bauprès, Scott Ross délivrait des Variations Goldberg pleines de fantaisie et d’allant, comme improvisées, miroir inversé de sa gravure discographique.
Vous glanerez aussi une Troisième Suite anglaise couperinesque en diable captée par France Musique aussi en 1985, année bénie, la dernière avant la tempête, et d’autres pépites éparses. Mais après ce Bach aussi inattendu que réjouissant, il faut vraiment que les gravures du catalogue Stil reparaissent. Une nouvelle tâche pour Nicolas Bomsel, l’heureux auteur de ce belle boîte ?
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
au clavecin :
Partita No. 1 en si bémol majeur, BWV 825
Partita No. 5 en sol majeur, BWV 829
Partita No. 6 en mi mineur, BWV 830
Partita No. 2 en ut mineur, BWV 826
Partita No. 3 en la mineur, BWV 827
Partita No. 4 en ré majeur, BWV 828
Concerto Italien en fa majeur, BWV 971
Fantaisie chromatique & Fugue en ré mineur, BWV 903
Ouverture à la française en si mineur, BWV 831
Duet No. 1 en mi mineur, BWV 802
Duet No. 2 en fa majeur, BWV 803
Duet No. 3 en sol majeur, BWV 804
Duet No. 4 en la mineur, BWV 805
Variations Goldberg, BWV 988
Le Clavier bien tempéré, Livres I & II
Toccata en ré majeur, BWV 912
Suite anglaise No. 3 en sol mineur, BWV 808
Prélude, Fugue & Allegro en mi bémol majeur, BWV 998
Toccata en mi mineur, BWV 914
Toccata en sol majeur, BWV 916
Concerto brandebourgeois No. 6 en si bémol majeur, BWV 1051*
(arr. pour 2 clavecins : Kenneth Gilbert)
Concerto pour clavier No. 5 en fa mineur, BWV 1056
à l’orgue :
Partita « Sei gegrusset, Jesu gütig », BWV 768
Prélude de Choral « Von Gott will ich nicht lassen », BWV 658
Toccata et Fugue en mi majeur, BWV 566
Prélude de Choral « Kyrie, Gott Vater in Ewigkeit », BWV 669
Prélude de Choral « Christe, aller Welt Trost », BWV 670
Prélude de Choral « Kyrie, Gott heiliger Geist », BWV 671
Prélude de Choral « Allein Gott in der Hoh sei Ehr », BWV 675
Fughetta super « Allein Gott in der Höh’ sei Ehr », BWV 677
Dies sind die heiligen zehn Gebot, BWV 678
Fughetta super « Dies sind die heilgen zehen Gebot », BWV 679
Fughetta super « Wir glauben all an einen Gott », BWV 681
Prélude de Choral « Vater unser im Himmelreich », BWV 682
Prélude de Choral « Christ, unser Herr, zum Jordan kam », BWV 685
Prélude et Fugue en sol mineur, BWV 535
Prélude de Choral « Allein Gott in der Höh sei Ehr », BWV 711
Prélude de Choral « Jesus Christus, unser Heiland », BWV 666
Prélude de Choral « Jesu Christus, unser Heiland, BWV 665
Grande fantasie en sol majeur, BWV 572
Sonate en trio No. 4 en mi mineur, BWV 528
Toccata et Fugue en ré mineur, BWV 538 « Dorienne »
Scott Ross, clavecin, orgue
*Huguette Grémy-Chauliac, clavecin II
Ensemble Mosaïques – Christophe Coin, direction
Un coffret de 11 CD du label Erato 0190295458423
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Photo à la une : le claveciniste Scott Ross – Photo : Jacques Sarrat © Erato/Warner Classics