Cela n’ajoutera certainement rien à sa gloire, qui fut si cruellement posthume, mais enfin pour moi chaque note laissée par Sergio Fiorentino est précieuse. Donc, le 10 août 1998, dans le petit théâtre de Roca Vescovile di Bertinoro, sur un piano un peu revêche, Sergio Fiorentino reprenait une de ses trilogies sacrées, Bach, Beethoven, Chopin.
Une fatigue se fait entendre lorsqu’il lui faut soulever la grande vague que Busoni a clouté au début du Prélude BWV 532. Les doigts ne peuvent, le bras et les épaules le veulent, la houle monte, c’est encore possible. Mais il fallait probablement ce Golgotha pour que les tableaux des Adieux soient si vivants, si alertement dépeints, avec un quasi volando pour le Vivacissimamente qui deviendra chez Schumann ce Più presto possibile, une exaltation que la section d’accords vient sanctifier, abolissant l’espace.
Suivra une Troisième Sonate de Chopin où le clavier apprivoisé produit soudain cet éventail de couleurs, ces camaïeux où l’harmonie respire, les rythmes concertent, la forme se forme là, sous les yeux, comme si Chopin liait Bach et Mozart. Et comment cela chante.
Deux bis, la lente barcarolle du Nocturne en fa dièse majeur, où Fiorentino savoure le désaccord de l’instrument, puis la Vocalise de Rachmaninov, comme le vol d’un cygne. Douze jours encore, et son cœur s’arrêtait.
LE DISQUE DU JOUR
The Last Concert
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Prélude et Fugue en ré majeur, BWW 532 (arr. Busoni)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 26 en mi bémol majeur, Op. 81a « Les Adieux »
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 3 en si mineur, Op. 58
Nocturne en fa dièse majeur, Op. 15 No. 2
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Vocalise, extraite des “14 Romances, Op. 34 » (No. 14) (arr. Fiorentino)
Sergio Fiorentino, piano
Récital enregistré à Rocca Vescoville di Bertinoro, le 10 août 1998
Un album du label St-Laurent Studio YSL T-899
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Photo à la une : le pianiste Sergio Fiorentino – Photo : © DR