Ferveur française

Musique pour l’office des morts et rien que cela, le Requiem qu’Alfred Desenclos composa en 1963 ? Peut-être.

Dans une France dont les services liturgiques n’étaient pas encore bouleversés par l’abrasion de Vatican II, Desenclos écrivait le plus modeste et le plus touchant des Requiem qu’aura connu Paris depuis celui de Fauré, et Hervé Niquet a eu mille fois raison de le débarrasser de l’orchestre pour retenir la mouture avec le seul orgue qui berce cette prière pudique et lumineuse que justement Fauré aurait pu reconnaître comme l’écho de son chef-d’œuvre.

Cette partition magnifique, d’un dénuement tendre renfermerait-elle l’essence même du christianisme français, avec son Dieu de pardon qui ignore le Dies Irae, ses paroles protectrices que le compositeur ploie dans de longues phrases modales.

Et lorsque j’y songe, quelle réponse intime au grand appareil que Maurice Duruflé avait déployé dans son Requiem (1947). Au début des années soixante, Desenclos pouvait échapper à l’impact de la Seconde Guerre mondiale, revenir à l’essence du sacré pour mieux nous bouleverser.

Hervé Niquet saisit le ton de cette musique, anime ses formes simples et savantes à la fois, modèle l’élégance pudique de ce chœur orant et secret, merveille que vient contrebalancer le geste autrement dramatique du Stabat Mater de Poulenc, incarné ici avec une puissance théâtrale certaine où le soprano de Marion Tassou met pourtant ses prières, le contraire absolu dans le domaine de la musique d’église du chef-d’œuvre hypnotique de Desenclos. Si vous n’en savez rien, découvrez-le ici.

LE DISQUE DU JOUR

Alfred Desenclos (1912-1971)
Messe de Requiem
Francis Poulenc (1899-1963)
Stabat Mater, FP 148

Marion Tassou, soprano
François Saint-Yves, orgue
Vlaams Radiokor
Brussels Philharmonic
Hervé Niquet, direction

Un livre-disque du label Evil Penguin Records Classic EPRCOO32
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Photo à la une : © DR