Brahms fit sa révolution avec la Troisième Sonate : cinq mouvements avec avant le Finale ce « Rückblick » où le temps s’arrête et où la silhouette de Schumann paraît – moment sidérant. Nelson Goerner la joue comme il est, classique, et réfléchi. Non qu’il refuse d’empoigner le Maestoso, au contraire son piano tonne ample, beau comme un orchestre, mais la folie schumanienne qui parcourt l’ouvrage est tenue à distance, la Sonate qui regarde droit dans les yeux le futur est devenue un roc, un monument et jusque dans le Finale, si complexe et qui paraît ici si logique.
J’admire sans frein cette façon, j’admire plus encore que Nelson Georner ait porté si haut son art qui me semble ici plus libre, plus affirmé qu’en aucun autre de ses disques, ce que prouvent plus encore que son admirable Sonate ses Variations sur un thème de Paganini où son éclatant vocabulaire pianistique saisit toutes les couleurs et tous les accents d’un cahier qui ne se livre pas si facilement.
C’est d’un bout à l’autre tenu comme seul Claudio Arrau sut le faire, et comme Arrau, cela joue autant que cela chante, avec une main gauche stupéfiante, un jeu qui allège le clavier jusque dans les accords. Et si Nelson Goerner avait enfin trouvé son compositeur ?
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms (1833-1897)
Sonate pour piano No. 3 en fa mineur, Op. 5
Variations sur un thème de Paganini, Op. 35, Livres I & II
Nelson Goerner, piano
Un album du label Alpha 537
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Photo à la une : le pianiste Nelson Goerner – Photo : © Jean-Baptiste Millot